mercredi, 31 octobre 2018 09:48

Et si on ne fêtait pas l´Halloween ?

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Georges VanPelt

Des pierres tombales en mousse sortent de terre, les vitrines sont recouvertes de toiles de coton et la ville a recouvert son costume noir et orange : pas de doute, ils remettent ça!

L’Halloween, c’est la fête à laquelle tout le monde adhère et ce n’est pas son caractère ultra-commercial qui empêchera quiconque de rejoindre la funeste parade. Comment se fait-ce? Autopsie d’une tradition qui n’en est pas une.

Le chiffre est tombé : les foyers québécois dépenseront quatre-vingt-quatre dollars en moyenne pour l’Halloween [i] d’après une enquête récente du CQCD. C’est très cher payé, à mon humble avis, pour enterrer son patrimoine national. Halloween, en effet, n’a aucune légitimité historique. Quand bien même nous pourrions attribuer l’Halloween aux communautés anglophones présentes au Québec [ii], ça ne justifie pas le succès croissant que la mascarade connait depuis les années soixante.

Généalogie d’un mutant

La rengaine habituelle veut qu’Halloween soit une fête autant québécoise que nord-américaine, aux «origines païennes». Autrement dit, une fête populaire, sans attaches… et surtout pas catholique!

«Païen» vient du latin «paganus» qui ne veut pas dire «sans religion», mais «d’une autre religion» et les origines religieuses d’Halloween se vérifient facilement : elle fut d’abord une tradition Celte, avant de devenir la veille de la Toussaint à partir du VIIIe siècle. Elle n’est donc pas agnostique et le terme «païen» est détourné. Toutefois, le caractère éminemment religieux de ses formes originelles ne l’inscrit pas dans une tradition religieuse.

Halloween n’est devenue populaire que dans les années 1920 en Amérique du Nord après l’arrivée d’immigrants Irlandais : c’est-à-dire, quatre siècles après l’arrivée des colons en Nouvelle-France. Là, il étend sont imaginaire, empruntant les traits esthétiques des romans d’horreur, puis du cinéma d’épouvante et même certains éléments de Dia de los Muertos.

L’Halloween racoleur, mercantile et envahissant, lui, n’est introduit au Québec que dans les années soixante, après la chute de la société traditionnelle et, avec elle, des traditions catholiques. Le manque d’engouement pour la Toussaint va laisser peu à peu le champ libre au marché pour promouvoir l’Halloween : une espèce de fête Frankenstein recomposée qui bénéficie d’un statut neutre.

Avec la mondialisation, Halloween se fêtera selon la coutume américaine dans tout le Commonwealth, puis dans le reste du monde occidental, partout où les traditions non lucratives sont en recul. L’imaginaire et les gestes d’usages qui accompagnent la fête morbide seront largement propagés par la culture de masse et promus par la grande distribution.

Une fête adaptée à la  mondialisation   

Cet amalgame entre «païen» et «agnostique» arrange bien le système parce que, dans un contexte de forte diversité culturelle, une «fête païenne» est comprise, à tort, comme l’inverse d’une fête religieuse et, donc, est considérée comme une fête universelle et inclusive sans aucune nécessité d’allégeance. La somme des personnes qui peuvent l’adopter constitue une manne financière non négligeable.

Nous pouvons reconnaitre sans difficulté que cette Halloween qui supplante la tradition catholique participe de la liquidation du patrimoine national. Et ce remplacement ne sera pas sans graves conséquences, car si le changement s’opère sur la forme, que sont les rituels, il en modifiera aussi inévitablement le fond, c’est-à-dire les valeurs. Quand Halloween aura définitivement supplanté la Toussaint,  la spiritualité laissera place à la loi du profit sous la forme néolibérale, consacrée par la mondialisation.

Dans un article antérieur [iii], je disais que le multiculturalisme était un mirage, car les individus qui composent la diversité, tôt ou tard, finiront par se conformer à un modèle unique et impérieux. Parler l’anglais, n’avoir que des références américaines, faire crédit et bouffer de la merde, pour ne donner que quelques exemples. Célébrer l’Halloween sous l’immense pression sociale qu’aura générée la marchandise en fera également partie. L’Halloween, c’est, tout autour du monde, la fête de l’individu déraciné, et ce, d’où qu’il vienne!

Un désastre éducatif

L’Halloween, au Québec, n’émane ni de la tradition ni des foyers québécois : elle provient d’abord et avant tout de la grande distribution et de sa publicité. L’immense étendue de son succès l’impose presque naturellement dans le champ culturel québécois. Chacun l’a intégré et le transmet sans la moindre once de soupçon quant à son utilité, ses origines ou ses fins. Qui peut dire qu’il ne fête pas l’Halloween sans passer pour un parfait rabat-joie? 

Le 31 au soir – où tous les soirs de la semaine! Qu’importe! – les petits zombis -et les plus grands!- parcourront les rues hantées de la métropole pour réclamer leur susucre. Alors que dans d’autres pays, à la même période, on enseigne aux jeunes à faire don de soi, à commémorer, à donner sans attendre en retour, à montrer du respect, de l’humilité et de la reconnaissance [iv], nous, nous les encourageons à racketter le voisinage.  

La mascarade a maintenant gagné l’école – l’éponge de la société libérale – où l’on dirait qu’elle est devenue un pan de son programme culturel. Les enfants attendent Halloween et on leur offre ce qu’ils attendent. Que se passerait-il si un enseignant décidait de ne pas le faire? On le lui reprocherait probablement d’exagérer parce qu’après tout «c’est juste pour s’amuser»!

L’Halloween n’a aucune valeur autre que le divertissement. Même si de nombreuses traditions ont pu être récupérées par le marché [v], elles gardent quand même un magnifique potentiel : une valeur centrale. Avec ou sans cadeaux, Noël reste le jour consacré à la famille. Là, rien! Costume, racket, susucre… et pas d’école le lendemain – quand même! Les pauvres! -. 

Pour une résistance à Halloween

Des pays d’Amérique latine et d’ailleurs hostiles à l’américanisation ont sonné l’alarme. En Russie ou en équateur [vi], où personne n’est dupe, on privilégie les fêtes nationales. En 2005, Chavez s’y opposait déjà [vii]. Au Mexique, le jour des morts, empreint de rites précolombiens,  reste indétrônable et met en échec les tentatives de séduction des États-Unis. «El dia de los muertos» bénéficie même d’une protection de l’UNESCO.

Pourquoi eux et pas nous?  La volonté, surement.      

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