samedi, 19 mars 2016 08:54

L'indépendance (3ème partie)

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Photo Pinsonneault : Maurice Duplessis et ses soeurs, Margueritte, Jeanne, Etiennette, et Gabrielle
 
Juriste Curé
 
Le syndicalisme sous Duplessis
 
Contrairement à l’anti-syndicalisme qu’on lui accole, « Duplessis a plaidé gratuitement les causes d’ouvriers victimes d’accident du travail, a soutenu, en tant qu’avocat, les causes ouvrières, et, en tant que député, le secrétariat des syndicats catholiques » [Maurice Duplessis et son temps, Robert Rumilly, p. 65.]. De plus, « en 1937, le gouvernement Duplessis avait été le premier à reconnaître le droit des ouvriers à s’organiser et à faciliter l’organisation en groupes pour les négociations collectives. Il fit voter une loi interdisant d’empêcher ou de décourager un travailleur d’adhérer à une association syndicale. Le nombre d’ouvriers syndiqués passa de 176 000 à près de 320 000 » [Duplessis, Le pouvoir, Conrad Black, p494-495].
 
 
Syndicalisme international vs syndicalisme catholique
 
Sous Duplessis, deux types de syndicats existaient. Les syndicats catholiques, ceux qu’il a défendus une bonne partie de sa vie et qui allaient causer plus tard le noircissement de son nom dans les livres d’histoire. Ces derniers protégeaient les travailleurs aux noms d’intérêts nationaux, un brin corporatistes donc, souvent pas totalement incompatibles avec les visées communautaires canadiennes françaises.  L’autre type de syndicat était international puisque bien souvent américain. Défenseur des travailleurs de métiers tels cheminot, il travaillait au nom d’intérêts… internationaux [i].
 
Parce qu’américain et n'ayant ainsi pas encore les moyens de s’approprier l'adhésion du bloc monolithique culturel que formaient les ouvriers du royaume canadien-français, l’expansion des syndicats internationaux était limitée. En effet, ils ne souciaient guère de la religion que pratiquait la majorité des Québécois de ce temps (composante essentielle de ce qui les réunissait), préférant se concentrer uniquement sur le Dieu « dollar ».  Parce qu’on ne convertit pas le diable international à quelque chose de moins ignoble que ce qu’il est [ii]... parce qu’il est implanté depuis le 19e siècle à Montréal et un peu avant la Deuxième Guerre mondiale en campagne [Rouillard, 2001 p.7], donc parce qu'il est plus séduisant, plus puissant, même parfois, de ces faits, beaucoup plus respectueux des travailleurs parce qu'il en a les moyens... mais plus difficile à chambarder et à faire bouger, le changement dans l’organisation syndicale qui suivit, qui allait détruire le tissu social canadien-français, dernier rempart à cette expansion des syndicats internationaux, est venu des syndicats catholiques,  de l'intérieur, manipulée ou influencée par… vous verrez, mais je crois que vous vous en doutez.
 
La guerre de mots que s’échangeaient les deux types de syndicats trace bien d’où vient le mal. « Les unions internationales dénoncent la loi des salaires raisonnables (votée en 1937 par l’Union nationale à la demande des syndicats catholiques), car « inspiré des décrets de gouvernement fasciste. »  [Maurice Duplessis, Rumilly, p.345]. Autre raison de craindre l’influence des syndicats internationaux explique Robert Rumilly : « la loi du cadenas est très importante dans la carrière politique de Maurice Duplessis, car elle dresse contre lui, d’une manière irréductible, non seulement le parti communiste, ce qui n’aurait qu’une influence relative, mais une large frange de sympathisants, englobant les antifascistes de tout poil, la presque totalité des juifs et une notable fraction de l’opinion anglaise » [Maurice Duplessis, Rumilly, p.328]. Ce qui réunissait tous ces gens, juifs, anglais, communistes, antifascistes, c’était le syndicalisme international. Le choix de l’image médiatique offert par ses puissants aux syndicats catholiques : pauvre et facho ou en sécurité et… on va y penser avant de te traiter de facho. Voilà de quoi ont eu peur ou par quoi ont été séduits les syndicats catholiques. Voilà pourquoi ils ont changé de modèle radicalement. Voilà pourquoi au fil du temps ils ont fini par devenir une forme un peu anarchiste (donc involontairement moins respectable) du syndicalisme international.
 
Les syndicats deviennent indépendants, le peuple reste aliéné
 
Ce qui était à l’époque la confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) est devenu en 1960 la CSN, la confédération des syndicats nationaux. La nation dont il est question ici, c’est le Canada. Difficile donc d’être véritablement indépendantiste et syndicaliste. La CSN fait aujourd’hui partie de la CSI, confédération internationale syndicale. Autrement dit, la fin de CTCC c’est le début de la fin du syndicalisme nationale canadien. D'autre part, quand Pierre Falardeau sacrait contre la CSN [iii] et les syndicats en général, parce qu’ils se négociaient des avantages en échange d’un appui au « Oui » pour le référendum sur l’indépendance du Québec, le nom même du syndicat vous explique bien la raison de ces agissements et pourquoi leurs intérêts ne sont pas ceux de la nation québécoise ou canadienne française. Bref, pour revenir au temps de Duplessis, le seul qui défend l’intérêt général québécois et donc, de par ce fait même, le travailleur québécois, c’est qui ? C’est le monarque ! C’est Duplessis !
 

[i] Le fondateur du RIN, André D’Allemagne,  écrivait dans « Le colonialisme au Québec, 1966 » : « La FTQ, qui se dit québécoise est intégrée au CTC, lui-même inféodé au syndicalisme américain par son affiliation à la AFL- CIO. Bref, il n’existe aucune structure nationale dans le syndicalisme québécois. Bien plus, dans le cas particulièrement de la FTQ, le syndicalisme est facteur de dénationalisation et de décolonisation.

[ii] « Les syndicats internationaux ont une longue et riche tradition en sol québécois. Mieux que toute autre institution, ils incarnent l'américanité du Québec et l'influence exercée par les États-Unis sur la société francophone » Jacques Rouillard, “De l'importance du syndicalisme international au Québec (1900-1957)”département d’histoire, Université de Montréal, (2001).

[iii] « Le vieux mot d’ordre de la CSN de 1980 servi à la moderne oui, mais… – on leur parle d’indépendance et ils répondent salaire minimum. On leur parle de liberté et ils répondent écologie ou femmes battues. On leur parle de la vie ou de la mort des peuples et ils répondent argent. Plus d’argent Plus d’argent dans la santé. Plus d’argent dans les HLM. Plus d’argent dans les écoles. Plus d’argent dans le BS. Plus d’argent dans les soupes populaires. Plus d’argent. Toujours plus d’argent. Vous appelez ça un projet de société? Plus d’argent! » Pierre Falardeau, Rien n’est plus précieux que la liberté et l’indépendance. Pour ma part, m’en câlisse que Michel Chartrand ait de la gueule pis qu’il envoie chier Bernard Derôme, son syndicat c’est la CSN ! un syndicat national canadien !

Commentaires   

 
0 #2 Joseph A. Sylvestre 24-03-2016 11:03
Très bon texte qui nous éclaire sur ladite période de "Grande Noirceur", avec le bonhomme 7h et tout ce que ça implique. Merci à Juriste Curé pour le travail de recherche!
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0 #1 Juriste-curé 19-03-2016 19:03
La suite approfondira la relation entre syndicats et l'état québécois de ces années sous Duplessis
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