mercredi, 08 janvier 2020 10:54

La pratique illégale du torchage reste importante en Afrique

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Pourquoi « torche »-t-on du gaz ?

Lorsque l’on extrait du pétrole, celui-ci remonte souvent à la surface accompagné d’eau et de gaz (dit « gaz associé »). Après avoir été séparé du pétrole, le gaz peut être « torché », c’est-à-dire brûlé illégalememnt sur place, opération qui se manifeste par une flamme sortant d’une torchère.

Le torchage du gaz se pratique principalement faute d’infrastructures de traitement et de transport (gazoduc ou unité de liquéfaction) qui permettraient sa commercialisation. Ces infrastructures sont différentes de celles utilisées pour le pétrole et leur rentabilité n’est pas assurée si les volumes de gaz associé sont faibles ou si les zones d’exploitation sont très reculées(1).

Le gaz est parfois aussi rejeté dans l’atmosphère sans être brûlé. C’est la pire des solutions car on remet directement dans l’atmosphère du méthane, gaz à effet de serre au potentiel de réchauffement 30 fois supérieur à celui du CO2 produit par le torchage (aux côtés d'hydrocarbures volatils).

À défaut de pouvoir commercialiser le gaz associé, il existe deux autres principales alternatives au torchage :

Au total, plus de 140 milliards de m3 de gaz seraient torchés chaque année dans le monde(3), soit davantage que les consommations annuelles de gaz de l’Allemagne et de la France cumulées(4). La Russie, l'Irak et l'Iran comptaient, à eux trois, pour près de 39% des volumes mondiaux de gaz torché en 2017(5).

Cette pratique constitue une problématique environnementale sensible : elle engendrerait au niveau mondial l’émission de près de 350 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent des émissions annuelles d'environ 75 millions de voitures(6). En 2015, la Banque mondiale a lancé avec plusieurs gouvernements et groupes pétroliers une initiative « Zero Routing Flaring by 2030 » qui vise à mettre fin d'ici à 2030 aux opérations régulières de torchage de gaz sur les champs pétroliers(7).

Pays torchant du gaz naturel


En 2017, la Russie a torché près de 20 milliards de m3 de gaz selon les dernières estimations réalisées sur la base d’images satellitaires de la NOAA. (©Connaissance des Énergies, d'après Banque mondiale)

 

Sources / Notes
  1. Autrement dit, si le prix du gaz est trop faible pour rentabiliser un investissement aussi lourd.
  2. Selon les caractéristiques du gaz.
  3. 140,6 milliards de m3 en 2017 selon les données de la Banque mondiale.
  4. En 2017, l'Allemagne a consommé 90,2 milliards de m3 de gaz et la France 44,7 milliards de m3 de gaz selon les données du BP Statistical Review of World Energy.
  5. Carte mondiale du torchage avec données par pays en 2017, Banque mondiale.
  6. Sur la base des données de l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA).
  7. L'Initiative Zero Routing Flaring by 2030 associe également des institutions de développement. En juillet 2018, 27 pays dont la Russie, l'Irak ou encore les États-Unis s'étaient déjà engagés à suivre les objectifs de cette initiative (ainsi que 35 compagnies pétrolières et 15 institutions de développement).

D’après les données de la Banque mondiale, le torchage, qui consiste à brûler le gaz dégagé par l’exploitation pétrolière, a diminué de 5 % en 2017, après six ans de hausse continue. Mais l’Afrique reste encore en marge de cette évolution : la pratique a même augmenté en Libye et au Nigeria.

De nouvelles données satellitaires rendues publiques par la Banque mondiale le 17 juillet révèlent une forte baisse du torchage de gaz sur les sites de production pétrolière au niveau mondial en 2017, malgré une hausse de la production de 0,5 %. « La baisse d’environ 5 % commence à infléchir six années de hausse du torchage de gaz au niveau global, de 2010 à 2016 » indique l’institution internationale.

Entre 2016 et 2017, le volume de gaz torché est ainsi passé de quasiment 148 milliards de mètres cubes à 141 milliards de mètres cubes. Cette diminution est largement imputable à la Russie, au premier rang pour le torchage de gaz, qui a réduit ses combustions de 22,4 milliards de mètres cubes en 2016 à 19,9 milliards de mètres cubes en 2017. Si le Venezuela et le Mexique ont significativement réduit le torchage en 2017, les volumes brûlés ont augmenté en Iran et en Libye, et dans une moindre mesure au Nigeria.

15 % du gaz associé à l’extraction pétrolière est brûlé L’extraction pétrolière génère, à côté du pétrole, du gaz associé, dont environ 15 % est torché. « Les installations de production pétrolière sont souvent éloignées des marchés potentiels pour le gaz, et les possibilités locales pour son utilisation – réinjection ou production d’électricité pour une utilisation sur place – peuvent être limitées. Pour acheminer ce gaz vers un marché, il faut un niveau d’investissement dans les infrastructures qui rend parfois l’utilisation du gaz non rentable. Dans d’autres cas, les conditions du marché peuvent être défavorables […]. » détaille la Banque mondiale.

Le gaz torché à l’échelle mondiale permettrait produire 750 milliards de kWh d’électricité, de quoi alimenter tout le continent africain

Représentant 4 % de la production gazière mondiale, le gaz torché est pourtant très proche du gaz naturel : il nécessite seulement un traitement pour éliminer des contaminants. D’après l’organisation internationale, « la quantité de gaz torché à l’échelle mondiale serait suffisante à produire 750 milliards de kWh d’électricité, soit de quoi alimenter tout le continent africain. »

Le torchage est en outre responsable du rejet dans l’atmosphère de plus de 350 millions de tonnes de CO2 chaque année.

L’Algérie, le Nigeria et la Libye en tête des brûleurs

L’Afrique représente un peu moins d’un quart des volumes de gaz torchés, avec 32 milliards de mètres cubes en 2017, soit une très légère hausse de 0,25 %. Au premier rang des pays africains qui torchent le plus de gaz associé en 2017 figurent l’Algérie avec 8,8 milliards de mètres cubes, le Nigeria avec 7,6 milliards de mètres cubes et la Libye avec 3,9 milliards de mètres cubes.

Si les volumes torchés ont légèrement baissé en Algérie (- 3,3 %), et faiblement augmenté au Nigeria (+ 4,5 %), ils ont explosé en Libye, avec une progression de plus de 66 %. Mais la production pétrolière y a également presque doublé, passant de 426 000 barils par jours en 2016 à 865 000 en 2017.

Les statistiques dévoilées par la Banque mondiale sont obtenues à partir d’images satellitaires, sur lesquelles est détectée la lumière produite par le torchage. À partir de ces relevés, les chercheurs arrivent à estimer le volume de gaz  parti en fumée.

En 2015, l’institution a lancé l’initiative « Zero Routine Flaring by 2030 » dans le but « de bannir cette pratique lors de l’exploitation de nouveaux champs pétroliers et de trouver au plus vite, et au plus tard en 2030, des solutions pour les sites déjà exploités ». Cette initiative réunit désormais 27 pays (dont le Cameroun, la République du Congo, le Gabon et le Nigeria), 35 compagnies pétrolières (y compris BP, Eni,Shell et Total) et 15 institutions de développement.

Source : jeuneafrique.com

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