Dans Ringside at the Revolution: An Underground Cultural History of El Paso and Juarez, David Dorado Romo décrit la brutalité systématique du Département de l'immigration des États-Unis le long de la frontière du Rio Grande.

Les visiteurs mexicains étaient contraints de se déshabiller et soumis à un « examen » destiné à détecter l'homosexualité, un faible QI et des difformités physiques comme des « doigts déformés ». Ils étaient également « désinfectés » avec divers fumigants toxiques, y compris de l'essence, du kérosène, de l'acide sulfurique, du DDT et, après 1929, du Zyklon-B (acide cyanhydrique) - le même gaz utilisé dans les camps de la mort de l'Holocauste.

La raison apparente avancée pour justifier la fumigation était la crainte d'une épidémie de typhus. Pourtant, en 1916, l'année précédant l'application de ces « bains », seulement deux cas de typhus avaient été répertoriés dans le plus pauvre bidonville d'El Paso.

« Ceci est un énorme trou noir dans l'histoire », m'a révélé Romo. « Malheureusement, je ne dispose que de récits oraux et d'autres preuves relevant de l'anecdote sur les effets néfastes des produits chimiques nocifs utilisés pour désinfecter et épouiller les gens traversant la frontière mexicaine - y compris des décès, des malformations congénitales, le cancer, etc. Cela pourrait concerner des dizaines de milliers de personnes. Il est incroyable qu’absolument personne, après toutes ces années, n'ait jamais tenté de recenser tous ces faits. »

Romo dispose de preuves choquantes concernant l'influence des techniques d'immigration des États-Unis sur la pensée nazie. Romo cite Hitler écrivant en 1924, « l'Union américaine elle-même ... a établi des critères scientifiques pour l'immigration ... faisant dépendre la capacité d'un immigrant à fouler le sol américain des critères raciaux spécifiques d'une part, ainsi que d'un certain niveau de santé physique chez l'individu lui-même . »

En 1938, trois ans avant les premiers camps de la mort de la solution finale, le chimiste nazi Gerhard Peters a publié un compte-rendu complet dans la revue scientifique allemande Anzeiger für Sahahlinskund au sujet de l'usine d'El Paso de « désinfection ». Il comprenait deux photos et diagrammes de la machine qui pulvérisait du Zyklon B sur les voitures de chemin de fer. Peters devait plus tard acquérir le brevet allemand du Zyklon B.

Il convient de noter que, si les Américains pulvérisaient leurs victimes avec des produits chimiques toxiques, ils limitaient l'utilisation du Zyklon B pour le fret et les vêtements. Les nazis le comprendront : vaporiser ce gaz directement sur un être humain cause une mort quasi immédiate. Nous ne pouvons que deviner quels effets ce traitement a produits sur les milliers d'hommes, de femmes et d'enfants mexicains qui, après un « bain » dans le DDT ou dans de l'essence, ont été renvoyés dans des vêtements imprégnés de Zyklon B.

L'opus de Romo survient alors que l'immigration mexicaine figure au sommet de la liste des questions soulevées sur la scène politique étasunienne. Le décompte officiel fait état de douze millions de clandestins aux États-Unis, ce qui officieusement équivaut certainement au double de ce chiffre. Parmi les solutions, un appel véhément de la droite à construire un «mur de Berlin» de 2000 miles de long sur toute la frontière du Rio Grande.

Sans grande surprise, les Américains d'origine mexicaine détestent cette idée. Par leurs souvenirs, vérité émergente dans l'histoire américano-mexicaine, et leurs votes, ils sont prêts à la torpiller.

Source : theweek.co.uk