samedi, 03 aout 2019 16:41

Se fier à la technologie

Evaluez cet article
(1 Vote)

Réjean DeGaule

Nous avons aujourd'hui pas mal tous apprivoisé une part non négligeable de technologie. La technologie fait partie du quotidien. Bien sûr, comme la technologie est rendue accessible à l'usage des idiots, nous arrivons à consommer beaucoup de mécanismes dont nous comprenons assez peu le fonctionnement. Qui serait capable de réparer des technologies aussi rudimentaires que la télévision, la laveuse, le frigidaire, le climatiseur. Ces objets ont même parfois été conçus de manière à ce qu'un bris les rende irréparables. Cette incompétence n'a rien de dramatique sur nos vies. Nous n'en mourrons pas. Mais je me mets à imaginer les problèmes que causeront l'absence de maîtrise de certaines technologies par le commun des mortels et je me dis qu'un jour, si la tendance se maintient, nous serons dans la merde et il y aura de quoi paniquer comme lorsque votre ordinateur tombe en panne à la veille d'une remise de travaux importants sans que vous n'ayez enregistré le travail.

Quelques ironies de l'écologie

Le véritable écolo c'est celui qui comprend la technologie qu'il utilise et qui est capable de la réparer. Plutôt que de remplacer l'objet brisé en rachetant un nouveau produit, le véritable écolo est capable de le réparer ou de le réutiliser. C'est la raison pour laquelle Greta ou n'importe quel pseudo écolo devrait retourner à l'école, apprendre le fonctionnement de ce qu'il consomme... ou sinon se réconcilier avec ses vieux qui sont souvent de sacrés bons patenteux, même s'ils conduisent des 4X4 pour aller au boulot.

Ironiquement, c'est souvent ceux qui en connaissent le moins sur la technologie qui en exige le plus d'elle.

Automatiser la conduite

Je parlerai d'un secteur que je connais bien pour y avoir travaillé. Nous en serions à 6,6 millions de voitures immatriculées au Québec [i], soit le résultat d'une augmentation de 16,6% en dix ans. En 2018, plus de 158 000 véhicules lourds étaient en circulation sur les routes du Québec. En 2013, c’était un peu plus de 140 000 camions.[ii] Les routes sont donc plus achalandées que jamais. Cette augmentation se voit. Ce n'est pas qu'une statistique sans lien avec la réalité.

Nous n'en sommes pas encore à circuler avec des voitures totalement automatisées, mais la transmission manuelle est sur le point de disparaître des routes, ce qui est en soi un début d'automatisation imposée.[iii] Par ailleurs, en 2016, la compagnie Uber testait déjà des voitures sans conducteur. L'américain Ford ou l'allemand BMW se fixait déjà l'objectif d'une production en série en 2021. Pour le fondateur d'Uber, le but ultime d'Uber était alors de développer des voitures autonomes. Le cœur de la mission de l'ingénieur en chef d'Uber était de faire en sorte que les routes soient plus sûres.

Mais revenons au sujet des transmissions qui deviennent automatiques. Puisque bientôt il n'y aura plus personne qui aura de transmission manuelle, il y aura logiquement moins de gens qui seront en mesure de bien l'utiliser. Encore une fois, ça n'aura pas tant de conséquence néfaste immédiate. La machine, à court terme, est parfois même plus efficace que l'homme. Néanmoins, il est évident qu'à chaque automatisation, une compétence se perdra au sein de la population. Nous en viendrons à devoir nous fier à une technologie sans la comprendre. Dans le domaine du camionnage où il manque de conducteur(En 2017, l'industrie du camionnage était à la recherche de 50 000 nouveaux chauffeurs. Il manquerait entre 1200 et 1500 conducteurs par année au Québec [iv] ), la tentation d'automatiser sera forte. Le remplacement des transmissions à double embrayage par des transmissions automatiques ou automatisées, pourtant très coûteuses, est assez avancé. Mais malgré cela, les compagnies peinent à trouver des gens en mesure de conduire ces mastodontes. Ça n'ira pas en s'améliorant puisque l'accès à cette compétence, naturelle chez les agriculteurs d'autrefois ou chez les gens qui naissaient au sein de milieux qui demandaient une débrouillardise en rapport à l'utilisation de toute forme de mécanique, sera complexe. Résultat : on exigera, comme c'est le cas en ce moment, des formations très coûteuses pour arriver à former des conducteurs qui ne comprendront que le strict minimum et qui seront garrochés dans l'industrie sur le tas. Pour éviter une baisse du niveau des conducteurs ou tout simplement le manque de conducteur, les gens au sein de l'industrie du camionnage, mais aussi de bien d'autres industries, devront choisir entre une automatisation d'une technologie qu'ainsi peu de gens comprendront et seront en mesure de réparer ou l'embauche d'immigrés qu'ils ne comprendront pas, avec tout le chaos qu'une telle incompréhension causera.

Quand tout est fait à notre place, que ce soit par un autre humain ou par une machine, ça fait plaisir à court terme, mais en prenant un peu de hauteur, on s'aperçoit que nos capacités à réaliser cette action sont diminuées. Par exemple : comme tout est concentré dans l'ordinateur, qui aujourd'hui sent le besoin de travailler sa mémoire ? L'ordinateur s'en souvient à votre place, alors à quoi bon se concentrer pour se souvenir de quelque chose. À court terme, aucun problème, mais à long terme, la capacité de se rappeler sera réduite.

J'ai l'impression que si le même raisonnement est appliqué au transport aérien, à la médecine ou à d'autres industries qui exigent souvent un avancement dans les technologies supérieures, le résultat risque de ne pas être très élégant.

Autrement dit, c'est beau rêver, écouter les politiciens nous raconter l'avenir comme s'il lisait un roman fantastique, mais la réalité empêche de croire qu'on puisse se fier à la technologie comme d'une solution à notre incompétence collective à maîtriser la technologie.

[i] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1167632/vehicules-circulation-quebec-saaq-voitures-camions-transport-chiffresaccidents

[ii] https://www.journaldequebec.com/2019/07/15/plus-de-poids-lourds-que-prevu 3

[iii] https://www.guideautoweb.com/articles/49433/en-studio-les-boites-manuelles-sont-elles-appelees-a-disparaitre/

[iv] https://www.journaldemontreal.com/2017/11/18/50000-camionneurs-recherches

[iv] https://www.journaldemontreal.com/2019/02/18/la-penurie-de-camionneurs-perdure-et-saccentu

Ajouter un Commentaire

Veuillez noter que votre commentaire n'apparaîtra qu'après avoir été validé par un administrateur du site. Attention : Cet espace est réservé à la mise en perspective des articles et vidéos du site. Ne seront donc acceptés que les commentaires argumentés et constructifs rédigés dans un français correct. Aucune forme de haine ou de violence ne sera tolérée.


Code de sécurité
Rafraîchir