samedi, 25 juillet 2015 22:33

Ici le monde civilisé de Jean-François Lépine pour Radio-Canada

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Juriste Curé

Je me souviens d’un critique culturel acadien qui m’avait dit qu’il ne critiquait que les œuvres de qualité parce que le contraire (démolir ce qui est mauvais) n’allait pas dans le sens de l’intérêt supérieur de l’Acadie. L’enfant exposé aux aveuglantes « lumières » que j’étais n’avait pas compris immédiatement et argumentait que du choc des idées, donc de la critique, naissait la lumière… En résumé, je croyais nécessaire la critique dérangeante afin que les artistes prennent conscience de leurs faiblesses et puissent s’améliorer. J’y pense, et rien ne dit que le critique culturel en question, lorsqu’il y avait lieu de le faire, ne vilipendait pas les artistes en personne au lieu de les démolir en public, dans sa chronique…

'Quoiqu’il en fût, la doxa humaniste, idéologie faisant tourner l’univers autour de l’humain, m’avait tellement appris à croire que je ferais avancer la société en prenant le dessus sur les autres par la raison, qu’il ne m’était jamais venu à l’idée que mes critiques pouvaient parfois créer la division au point de contribuer à faire régresser la société autour de moi. En dénonçant les faiblesses des autres publiquement plutôt qu’en jouant en équipe, on devient tous un peu le boulet de l’équipe, peu importe qu’on ait le talent d’un Messi ou d’un Cristiano Ronaldo.

Était-ce donc dans l’intérêt supérieur du Québec de démolir la récente (octobre 2014) autobiographie de Jean-François Lépine ? Ne nous démolissons-nous pas déjà assez entre Québécois ? Que vaut un pamphlet supplémentaire ? Je pourrais prétexter qu’étant résolument radio-Canadien dans sa façon de penser, le fait qu’il ait été publié par Quebecor empêche toute critique abrasive… Je pourrais prétexter que lors d’une table ronde à l’émission de Patrick Masbourian sur les ondes de Radio-Canada, l’obligation d’un gouvernement mondial, d’une police mondiale, a été ardemment défendue sans aucune réplique. Mais en fait, plus personne ne les écoute ces émissions et tout le monde sait que Lépine est « un hostie de vendue au nouvel ordre mondial » qui, sans doute trop longtemps coupé de la réalité du québécois moyen, ne parle plus en son nom et pourrait tout autant être un journaliste américain que québécois. Pourquoi le répéter une fois de plus ? 

Un peu comme pour le cas de Jacques Parizeau, Lépine a une œuvre colossale derrière la cravate qui impose le respect. Moi qui ai à mon actif des réalisations qui vous surprendraient (si-si !), mais qui n’écris tout de même qu’avec un pseudonyme, qui suis-je pour prendre l’ascendant sur des hommes qui, par leur réalisation, ont une aura quasi divine, dans leur domaine respectif ? Les critiquer me placerait à leur niveau, si ce n’est au-dessus, de sorte que Dieu lui-même se sentirait petit à mes côtés. Ainsi, les freudiens m’accuseraient de vouloir tuer le père, voire Dieu le père… Vous comprendrez que je ne puisse m’y résoudre.

Qu’est-ce qui m’a pris ? Vous verrez…

La critique

L’autobiographie de Lépine a pour titre Sur la ligne de feu et raconte ses quarante ans de métier de journaliste, principalement à l’international, avec un style clair, plaisant à lire, un langage un peu châtié (sa personnalité Radio-canadienne l’impose), mais toujours égal à lui-même, maintient le cap, sans trop de « moi, je », page après page, avec la rigueur d’une personne dédiée à sa vocation. Franchement, chapeau pour la carrière. Un peu comme Richard Garneau pour l’olympisme (il détient le record pour la plus longue couverture, soit 23 Jeux sur 25, en 48 ans), Bernard Pivot pour la littérature, Jean-François Lépine est (était ?) l’homme parfait de l’actualité internationale.

Durant ses quelques années de couverture de l’actualité québécoise, son professionnalisme, son respect des gens, faisait en sorte que les politiciens fédéralistes ne réussissaient qu’à opposer leur très sournois : « on sait bien, vous êtes biaisé, vous êtes séparatistes », alors qu’il faut bien le dire, Jean-François Lépine ne le laissait pas paraître souvent. C’est même dommage qu’il n’ait pas assumé davantage1.

Mais, il y a un immense, mais… Un « mais » qui me fait dire que l’intérêt supérieur du Québec nécessite que je dise un peu de mal du grand Jean-François Lépine. C’est uniquement en lisant son livre qu’on parvient à comprendre. Le flegme radio-canadien l’ayant toujours couvert, lui ayant toujours permis de dire qu’il agissait pour le « service public » ou par vocation, il était plutôt difficile de comprendre ce qui le motivait. 

C’est plutôt simple, Jean-François Lépine est un mondialiste carabiné. Pas qu’un petit mondialiste ! Lorsqu’il nous racontait ses aventures aux quatre coins du monde, nous avions l’impression de lire un missionnaire qui évangélisait et, peut-être bien sans s’en rendre compte, préparait le terrain à la colonisation, par le nouvel ordre mondial, de terres peuplées de sauvages et de peuples « inférieurs ». L’information concernant ces peuples (La Chine de Mao, les « terribles » dictatures militaires, etc.), inaccessible jusqu’alors aux Occidentaux, serait par la suite rendue accessible. Les cultures de partout sur la planète seraient démocratisées. Que du progrès ! Les pays qui n’ouvraient pas leurs frontières aux journalistes internationaux étaient arriérés et ne comprenaient pas que les journalistes occidentaux leur voulaient du bien. Ces arriérés ne comprenaient donc pas qu’il fallait à tout prix révéler au monde entier les terribles entorses aux droits de la personne qui sévissaient parmi les dictatures. Quand on sait lire un peu entre les lignes, son analyse s’avère tellement manichéenne qu’on finit par se dire que, heureusement, les patrons de Radio-Canada d’aujourd’hui, qui coupent dans la couverture internationale, sont fermés d’esprit et n’ont pas ce que Lépine appelle de la vision. Enfin… de toute façon, les graines du mondialisme ont, partout, déjà été plantées. Donc, plus besoin de semer une seconde fois, monsieur le jardinier Lépine. Le travail est fait ! Voilà qui explique pourquoi vous ne travaillez plus à Radio-Canada... 

3 Leçons à tirer qui obligent la dénonciation de la propagation du message mondialiste

  1. Les Amérindiens : Alexis De Tocqueville, dans ses écrits sur le Bas-Canada qu’il a visité en1831, rapportait les propos du patriote John Neilson selon lequel les Amérindiens étaient trop fiers pour s’assimiler à la culture française ou anglaise2. Le drame, selon Tocqueville, venait de ceux qui avaient le cul entre deux chaises : les métisses. La culture amérindienne étant incompatible avec l'européenne, ceux-ci étaient condamnés à vivre malheureux3. Ça ne vous rappelle rien… Enfin, Tocqueville notait qu’ils étaient des « sauvages »4 et qu’ils allaient le rester ou périr. Changez Amérindien par Canadien-français, européen par euro-sionisto-américano… etc. tous ceux qui travaillent dans le sens du mondialisme ;  et le compte est bon. 
  2. Roman : Dans le roman Soumission de Michel Houellebecq, l’auteur avance l’hypothèse que, l’indifférence généralisée5 (ce que les Lépine de ce monde dénoncent comme de la fermeture d’esprit), l’indifférence notamment à l’information internationale ou au terrorisme international (pléonasme ?) en réaction à des médias qui crient constamment au loup, allait sauver la France d’une lente assimilation à l’union européenne, donc, au nouvel ordre mondial… je sais, j’extrapole… Houellebecq ne l’écrit pas clairement, mais c’est mon interprétation. Dans ce cas précis, le roman promulgue une leçon aussi sage que n’importe quel fait historique : on est déjà ben assez civilisé de même, câlisse !
  3. L’Acadie : Je me souviens d’avoir écrit et dit à des Acadiens et surtout à leurs journalistes et intellectuels qu’ils manquaient d’ouverture sur le monde, de culture générale, de raffinement, qu’ils étaient trop dociles, que leur français anglicisé montrait qu’ils étaient colonisés, que de faire l’interminable file du drive-in au McDo, alors que tabarnak ! y a personne dans le line-up à l’intérieur du resto, n’avait rien de bon pour leur santé et qu’ainsi il devenait des mollusques impuissants. Comme vous pouvez le constater, j’ai moi aussi été aveuglé par les lumières, mais le plus ironique c’est que mes reproches visaient des gens (journalistes et intellectuels) eux-mêmes aveuglés par les lumières. Comme quoi, tous les occidentaux n’ont pas été illuminés de la même façon… Ayant une tradition d’éducation supérieure moins développée, le bombardement d’idée « lumineuse » a été plus doux envers les Acadiens. Le système immunitaire s’est moins développé, créant les quelques travers de leur société énoncés ci-haut, mais il se peut que ces travers, causés par l’indifférence que décrit Houellebecq mieux que je ne saurai jamais la décrire, leur permettent d’éviter plus longtemps l’infiltration du nouvel ordre mondial dans leur cervelle. Leur rusticité les aidera à ne pas s’ouvrir à la civilisation devenue décadente.  Décadence que, par ailleurs, Houellebecq décrit avec justesse dans Soumission. Comme disait l’autre, ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être bien adapté à une société malade…

Enfin, pour le bien-être du Québec, je me suis laissé tenter par le vice… tout sauf Jean-François Lépine… Mais derrière ce « tout sauf Jean-François Lépine », serait-ce possible qu’il y ait un « tout sauf le nouvel ordre mondial » ? Serait-ce possible qu’il y ait un appel à l’indifférence ? 

 

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