Ne disposant pas encore de la capacité d'entrer en hibernation tel l'ours poutinien afin de nous abriter du nordet glacé, nous ne nous morfondons pas sur notre sort. Car telle est la réalité charnelle du Pays. Et car d'est, par-delà les ondes, nous provient un souffle chaud qui vous caresse l'âme et ranime une flamme peu à peu vacillante en nous. Coup de tabac pour l'oligarchie, véritable ouragan balayant l'Occident entier, et baptisé : mouvement des Gilets jaunes ! Avec dans son sillage, une brise plus douce : le référendum d'initiative citoyenne (RIC) prôné par Étienne Chouard.
En quête du système le plus apte à garantir le bien commun, nous ne pouvions au départ réprimer un certain scepticisme : le peuple, jusque-là inerte, gangrené par un individualisme forcené, abruti par les médias de masse et par un mode de consommation aliénatoire, est-il réellement apte à légiférer, donc à se gouverner lui-même ? Une évidence s'imposa à nous : les gens sont bel et bien dans la rue, n'en déplaise à la caste journalistique déconnectée du réel.
Car prendre en considération la réalité tangible et concrète, voilà tout ce qui compte. Le retour du Roi serviteur du Christ, mais également le recours au fascisme ou l’expérience bolchevique, rien ne peut en théorie faire pire que la démocratie représentative qui nous asservit aujourd'hui ! Tous ces régimes défendront bien mieux la collectivité, au contraire ! Or, à l'époque d’un régime de surveillance profondément répressif qui rend impossible toute révolution par les burnes, quelle alternative crédible ?
S'il est parfaitement vrai que le peuple français montre une nette tendance historique à se ranger derrière de fortes personnalités incarnant un État puissant, nous nous sommes mis au défi de citer un seul homme politique susceptible d'incarner, hic et nunc, le fameux Poutine français que de nombreux nationalistes appellent de leurs vœux. Sur notre liste, que des carpettes ! Rien qu'un ramassis de soumis qui rivalisent d'à-plat-ventrisme devant la domination aussi bien militaire que monétaire qu'exerce sur la France la finance apatride ! Puisque la multitude veut reprendre sa destinée en main, pourquoi casser la dynamique ?
À ce propos, les défenseurs du RIC peuvent trouver un soutien pour le moins inattendu en la personne de … Nicolas Machiavel, champion de l'étatisme ! Soutien certes partiel : ardent partisan d'une République à dimension totalitaire où seule la collectivité est libre, et non les individus, il ne croit pas les peuples capables d'établir les lois. Il n'en demeure pas moins qu'il reconnaît, par contre, la sagesse naturelle des peuples, leur vigilance et leur constance à vouloir faire respecter ces lois, au point d'insister sur l'importance de disposer, au sein d'une République, « d'institutions qui fournissent à la masse des citoyens des moyens d'exhaler leur aversion contre un autre citoyen » [1]. L'une des mesures-phares prévues dans le RIC !
« Référendum », hum … goût de déjà-vu ?
Évidemment ! le terme ne pouvait pas ne pas évoquer, dans la Belle Province, les cruelles désillusions de 1980 puis de 1995. Souvenirs qui là aussi nous ont laissé dubitatif dans un premier temps : la monarchie orangiste n'en tire-t-elle pas sa légitimité ? Puisque le peuple s'est prononcé à deux reprises contre (à grands renforts de clientélisme et de vote ethnique, mais ceci est une autre histoire, d'ailleurs déjà bien ressassée), il faut respecter son choix !
Le résultat n'a-t-il pas figé les aspirations ?
Là aussi nous avons médité … et en avons conclu que la comparaison entre les référendums perdants sur l'indépendance et le RIC n'est absolument pas pertinente ! Nous nous expliquons :
- premièrement, les référendums furent à l'initiative du Parti québécois, fruit de la « Révolution » tranquille bourgeoise : où fut la remise en question des principes franc-maçons de la social-démocratie dans ce projet ? Où est le peuple profond dans l'histoire ?
Les référendums sur l'indépendance du Québec étaient destinés à imprimer le changement de cap, la bifurcation en elle-même. Mais vers où ?
- Ensuite, le référendum sur l’indépendance ne portait que sur un seul sujet fondamental, avec pour seul et unique (ou presque) point névralgique la métropole montréalaise : son échec ne pouvait que produire un effet dévastateur sur le moral des troupes, d'autant que la différence en faveur du non était infime. Ici on propose aux citoyens d’avoir la possibilité d’exprimer leur choix sur tout un panel de revendications très éparses qui rendent le mouvement des GJ extrêmement décentralisé dans son essence.
Deux avantages dans cette décentralisation :
- elle se traduit par les débats constituants sur toutes les solutions aux problèmes qui minent le pays, sur toutes les directions que doit prendre la nation. Et ces débats permettent de remettre profondément en question la social-démocratie de marché et d'opinion, démarche reléguée au second plan par les indépendantistes du PQ !
C'est, lorsqu'on y songe, faire les choses dans le bon ordre : définir les modalités du changement de cap d'abord avant de toucher au gouvernail !
- et ce qui en découle sur le terrain : l’afflux de forces vives qui disperse les cerbères du Système aux quatre coins du territoire français. Imaginez-vous une telle mobilisation dans les régions du Québec, pour la plupart sous-peuplées ?
- Enfin, à l'ère d'un échange d'informations largement facilité par des moyens technologiques absents en 1980 et en 1995, le peuple profond est bien plus vigilant ! Puisque cette technologie contribue à nous opprimer par un système de surveillance généralisée, servons-nous en comme d'un contrepoids ! Puisque les réseaux sociaux contribuent habituellement à nous virtualiser, usons-en pour nous réunir ! Et puisque nous risquons d'être censurés par ces mêmes réseaux sur l'ordre de ceux qui ne veulent surtout pas nous voir unis à nouveau, déployons des trésors d'ingéniosité pour les contourner !
Le RIC, retour aux sources, retour à Dieu ?
Après mûre réflexion, il semblerait qu'en réalité nous n'ayons pas saisi l'ampleur du mouvement des GJ. Il ne s'agit pas encore de ce retour à Dieu tant espéré, mais de son amorce du moins. Pour rappel, des initiatives de consultation populaire existaient bel et bien au Moyen-Age [2]. On était loin de la société atomisée moderne que nous subissons de nos jours ! Nous ne parlons pas ici des grèves initiées par des chauffeurs de bus ou des aides soignants dans l'unique but de défendre leur bout de gras, aux antipodes du concept de grève générale à dimension mythique d'un Georges Sorel ! Seul le bien commun était au centre des préoccupations ! Quelle est en la cause ? Eh bien c'est simple : les corps constituants, intermédiaires entre le peuple et la classe dirigeante, étaient catholiques ! La seule façon qu'eut le pouvoir bourgeois de détruire l'esprit de ces corps constituants, fut de détruire la religion catholique !
Et pour une fois les amis (pour une fois !), le bouillonnement d'idées qui habituellement ne trouve pour seule estrade qu'Internet, débouche sur une mobilisation concrète des gens dans les rues, sur les ronds-points, voire sur les barricades !
Une fois encore, nous sommes en présence d'un mouvement foncièrement décentralisé, ce qui en rend ardue la récupération par les sociaux-traîtres, bien que foisonnent déjà les faux porte-paroles (vite marginalisés par la masse des GJ) et les appels au calme ! Partout en province, se mêlent salariés de tous secteurs, petits patrons et chômeurs ! N'avons-nous pas là le premier pas d'une mutation du consommateur 2.0, persifleur derrière son écran envers quiconque ose lancer des initiatives, vers le citoyen responsable, soucieux de l'intérêt commun, revenant ainsi à Dieu ?
A la lumière de ces éclairages, que tous ceux qui se fendent d'un sourire narquois à l'évocation de cette forme de démocratie directe s'interrogent : ne montrez-vous pas là une forme de nihilisme déguisé ? Taxez-nous de naïveté ou de dilettantisme, nous vous rappellerons que Bonaparte a fait trembler l'Europe ... flanqué de fils de tonneliers ou de tanneurs (Murat, Lannes, Masséna, etc) !
Il y a un temps pour le cynisme … et un temps pour l'espérance ! L'attitude d'un Chouard confronté à ses détracteurs peu catholiques lors des débats cathodiques n'est-elle pas … christique ?
Nous ne tenons pas là la panacée … mais une partie de la solution ? Il est permis d'y croire !
L'aurige
[1]Discours sur la première décade de Tite-Live, p. 171.
La Carthage antique, archétype par excellence de la république oligarchique mercantile, nous offre le meilleur exemple qui soit : accusés d'incompétence ou de compromission, les suffètes, équivalents des consuls romains, étaient tenus de s'expliquer devant le peuple au cours d'une humiliante séance publique. Leur culpabilité avérée, lorsque les juges ne prononçaient pas de condamnation à mort contre eux, l'honneur commandait qu'ils mettent eux-mêmes fin à leurs jours.
[2] Pour ne citer que le premier exemple qui nous vient en tête : http://diktacratie.com/le-vetche/
Mais je ne pouvais également manquer de mentionner, en vous renvoyant aux œuvres de Régine Pernoud, les assemblées populaires locales auxquelles les femmes étaient implicitement conviées. Non seulement elles n’en étaient pas exclues, mais les législateurs n'éprouvaient même pas le besoin de préciser leur admissibilité dans les textes de lois. Ce qui en dit long sur l'unité sociale, à des années-lumière de notre société actuelle complètement fragmentée !
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