17.10.2014 - Des soldats américains au Congo ?

Le représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu en RDC, Martin Kobler, préconise, dans la lutte contre les rebelles ougandais de la LRA, des opérations conjointes entre l’armée congolaise (les FARDC), la Monusco et l’US Africom (Le Commandement des États-Unis pour l’Afrique). L’information, donnée vendredi 10 octobre, est passée comme une lettre à la poste. A Kinshasa, ni le président Kabila, ni les membres du gouvernement, ni les députés, ni les sénateurs, ni les chefs des partis, ni la société civile n’y trouvent rien à redire. On parle pourtant d’Africom, c’est-à-dire de la stratégie militaire américaine sur le Continent africain. Autrement dit, la LRA devient un objectif du Pentagone et un prétexte au déploiement militaire unilatéral américain sur le sol congolais. Toujours rien à redire ?... La voie est libre !

Il y a pourtant de quoi aborder le sujet avec gravité. En effet, dans n’importe quel pays les dirigeants politiques et la société civile se seraient posé au moins deux questions. Première question : quelle menace représente la LRA pour justifier l’arrivée des soldats américains sur le sol congolais ? Deuxième question, quels intérêts pousseraient les Etats-Unis à risquer la vie de leurs soldats sur le sol congolais ? Car, faut-il toujours le rappeler, aucun soldat étranger ne risque sa vie au Congo par altruisme pour les populations congolaises. Les soldats étrangers, y compris les casques bleus, viennent au Congo uniquement pour servir les intérêts de leurs pays, et il ne saurait en être autrement. Ces intérêts sont de nature diverse : salaires et autres avantages personnels, expertise en missions internationales, renseignements militaires, accès aux marchés des matières premières,… A ce titre, les intérêts des Etats-Unis sont connus des Congolais depuis au moins deux décennies.

Des intérêts nocifs pour le Congo

En effet, dès la fin de la Guerre froide, les Américains ont affiché leur vision du Congo, et ils ne s’en cachent pas. En témoigne, notamment, l’adoption, en juillet 2010, de la loi Dodd-Frank par le Congrès américain, loi qui cite nommément le Congo et ses minerais. Il s’agit, pour les Américains et leurs alliés, d’accéder sans entrave aux ressources minières du Congo et d’orchestrer la balkanisation du Congo, un pays que Washington trouve trop grand par rapport à la capacité de ses dirigeants à le gouverner. Une obsession de la politique étrangère américaine qui menace l’intégrité de nombreux « grands pays »[1]. Au département d’Etat américain, selon Herman Cohen, « le Kivu fait déjà partie du Rwanda »[2]. Lors de la dernière attaque de l’armée rwandaise sous couvert du M23, dans le Kivu, l’Ouganda en a profité pour s’emparer du territoire congolais de Mahagi, en Province Orientale. Les armées ougandaise et rwandaise, sont, depuis plus de deux décennies, équipées, renseignées, encadrées et entraînées par l’armée américaine pour mener des attaques récurrentes contre le Congo, attaques responsables de la mort de six millions de Congolais.

Mais pour les Américains, les régions de l’Est du Congo, peu importe le nombre des Congolais tués, doivent être annexées au Rwanda de Paul Kagame[3] et à l’Ouganda de Yoweri Museveni. Parallèlement, les Etats-Unis veillent, à l’ONU notamment, à ce que les hommes de Kagame et de Museveni, responsables de massacres, de viols et de pillages dans l’Est du Congo, soient continuellement assurés de la totale impunité[4].

Le b.a.-ba de la politique

Ces quelques éléments sont des fondamentaux que chaque Congolais doit avoir constamment à l’esprit lorsqu’il a affaire à un Américain, surtout aux officiels américains. Ce qui nous ramène à la première question : quelle est cette menace que posent les rebelles ougandais de la LRA pour justifier le déploiement au Congo des unités de la Première puissance militaire du monde ?

Pour rappel, L’Armée de résistance du Seigneur (LRA) est un mouvement fondée en 1986 par Joseph Kony, dans le Nord de l’Ouganda. L’objectif du mouvement est alors d’instaurer dans le pays un régime théocratique chrétien[5] fondé sur la Bible et les 10 commandements de Dieu. Mouvement réputé pour ses brutalités[6], la LRA a toutefois été considérablement affaiblie depuis 2005. En décembre 2010, le ministre ougandais de la défense, Crispus Kiyonga, a estimé ses efectifs à environ 300 combattants parsemés entre le Nord-Est de la RDC, la Centrafrique et le Soudan du Sud[7]. On en est donc là. Un groupuscule qui, tout en étant dangereux, bien entendu, compte, à la louche, 400 éléments au maximum. En face, l’armée congolaise dont les effectifs s’élèvent à 140.000 militaires[8]. Elle est épaulée par 19.539 casques bleus[9] et une brigade d’intervention de la Monusco forte de 3.069 soldats. Donc 162.608 soldats prêts au combat contre 400 éléments de la LRA. Et, les 162.608 soldats auraient besoin des renforts de l’armée américaine… bah voyons !

Même s’il est encore tôt pour se prononcer sur les réelles motivations des unités d’Africom sur le sol congolais, il est de bon aloi que les dirigeants congolais apprennent à ne pas accepter des « aides » aussi étranges venant d’un Etat étranger, américain soit-il, le b.a.-ba de n’importe quel dirigeant politique. Même lorsque l’« aide » est proposées, en apparence, de bonne foi. Après deux décennies de guerre, on imagine que les autorités d’un pays ont assez appris pour être en capacité de se méfier de tout. Tout ce que les nationaux sont capables de faire, il serait absurde qu’un pays aille chercher de l’aide à l’autre bout du monde pour le faire. Les soldats congolais ont plusieurs fois démontrés, notamment dans le Kivu, que, bien payés, nourris, équipés et affectés dans des unités expurgées de taupes et de traitres, ils sont tout à fait en mesure de libérer leurs populations tous seuls.

Et quand bien même le pays aurait besoin d’un partenaire stratégique, l’armée américaine serait, pour le Congo, le partenaire le moins fiable de tous, loin derrière la Chine, le Japon et la Russie qui seraient intéressés de proposer des partenariats en matière de défense avec divers pays africains[10]. En effet, les Etats-Unis ont une histoire plutôt sinistre avec le Congo au sujet des partenariats en matière de défense.

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