Il est temps que la campagne présidentielle états-unienne se termine. Deux records ont été pulvérisés : jamais joute électorale n’a coûté aussi cher (7 milliards de dollars) et jamais le contenu de la confrontation n’a atteint un niveau aussi détestable. Les coups bas ont remplacé les échanges d’arguments sur le fond. Donald Trump s’est surpassé dans cet exercice, mettant à profit son sens du show pour vomir une rhétorique crue, si abondante que sa simple compilation a suffi à faire le bonheur de plusieurs éditeurs. Non sans que cet étalage de « naturel » lui revienne à la figure quand il trahit sa conception primitive et méprisante des relations avec les femmes. Mais Hillary Clinton s’est contentée de rendre coup pour coup, oubliant d’élever le débat au niveau des arguments progressistes intégrés dans la plateforme démocrate à la suite des succès enregistrés par Bernie Sanders lors des primaires. Cette dérive d’une ampleur inédite, qui va conduire de nombreux citoyens à se rendre aux urnes aujourd’hui en se pinçant le nez, trahit l’immense malaise d’une société fracturée par le néolibéralisme.
C’est le deuxième scrutin le plus important de ce mardi. Celui qui peut apporter les pleins pouvoirs à Donald Trump. Ou celui qui peut dégager des marges de manœuvre pour Hillary Clinton. La majorité de la Chambre des représentants étant appelée à rester (plus ou moins) stable, c’est le Sénat qui concentre les efforts de dernière minute des deux camps. Les démocrates y avaient perdu leur majorité lors des élections de mi-mandat, en 2014. Cette année, la majorité républicaine (53 sièges) est mise à mal. 24 des sortants du parti de droite remettent leur mandat en jeu. Certains sièges semblent déjà perdus (Wisconsin, Illinois). En Pennsylvanie, en Caroline du Nord, dans l’Indiana, le Missouri et le New Hampshire, les élus républicains sont en ballottage très difficile. Dans le Nevada, en revanche, la succession de l’ancien leader démocrate du Sénat, Harry Reid, est loin d’être acquise au parti d’Hillary Clinton. En Floride, l’ancien candidat à la primaire républicaine, Marco Rubio, a redressé la barre ces dernières semaines. En cas d’égalité (le Sénat compte 100 membres, deux par État), la voix du vice-président des États-Unis est prépondérante.
Particularité du système électoral, le président n’est pas élu au suffrage universel direct. Les électeurs votent, en fait, pour des grands électeurs, qui constituent le collège électoral. Chaque État dispose du nombre de grands électeurs correspondant à son poids démographique (de 3 pour le Wyoming à 55 pour la Californie). Selon le principe du « winner take all » (« le gagnant ramasse toute la mise »), le candidat arrivé en tête dans un État remporte tous les sièges de grands électeurs en jeu. Avec ce système, un président peut être élu sans avoir obtenu la majorité des suffrages exprimés. L’exemple le plus récent fut George W. Bush, devancé nationalement de 500 000 voix par Al Gore mais déclaré vainqueur en Floride par une décision de la Cour suprême, ce qui lui permit de détenir 271 grands électeurs, contre 266 à son rival démocrate. Un tel scénario ne s’était produit auparavant qu’à trois reprises.
Comme lors de chaque scrutin présidentiel, l’arbre risque de cacher la forêt. Et on ne retiendra de ce 8 novembre que le nom du nouveau président des États-Unis. Or, partout, dans le pays, on va également voter pour des propositions soumises au suffrage des électeurs. En tête de ce cru 2016, le salaire minimum. Son augmentation substantielle est mise aux voix dans quatre États : trois États – Arizona, Colorado, Maine – pourraient le porter à 12 dollars (le minimum fédéral est à 7,25 dollars) et l’État de Washington propose, lui, une hausse à 13,50 dollars. À suivre, également, les référendums en Californie (premier État du pays avec 40 millions d’habitants), où les électeurs se prononcent sur l’abolition de la peine de mort, la légalisation de la marijuana et l’encadrement du prix des médicaments.
Source : humanite.fr