Vue de Russie, l’élection présidentielle américaine pourrait se résumer à un choix binaire, entre Donald Trump, « le candidat de la paix », et Hillary Clinton, « la candidate de la guerre ». Cette dernière est « bien connue », assène le correspondant du journal pro-gouvernemental Rossiiskaïa Gazeta, « pour ses instincts faucon, sa foi dans le rôle dominant des Etats-Unis dans le monde et son soutien aux dernières interventions américaines à l’étranger ». La dirigeante démocrate, c’est le moins que l’on puisse dire, ne recueille aucun suffrage ici : les Russes lui préfèrent, et de loin, Donald Trump.
L’institut nord-américain WIN/Gallup, qui a sondé cet été des panels représentatifs dans 45 pays, invités à indiquer leur préférence, en a fait le constat : la Russie est le seul pays où M. Trump est arrivé en tête avec 33 % contre 10 % pour sa rivale. Un choix confirmé par un autre sondage publié le 21 octobre par l’institut public russe Vtsiom, selon lequel 35 % des personnes interrogées estiment que l’élection du candidat républicain correspondrait « aux intérêts de la Russie », contre à peine 6 % pour Mme Clinton.
« Dans le contexte de forte confrontation entre la Russie et les Etats-Unis, les réponses des citoyens sont assez prévisibles, commente Valeri Fiodorov, le directeur général de l’Institut. Ils choisissent celui qui a publiquement exprimé des sympathies pour Vladimir Poutine [tandis qu’] Hillary Clinton est considérée comme la poursuite du chemin conflictuel emprunté par Obama. Cependant, la méfiance vis-à-vis des Etats-Unis est si importante que beaucoup ne voient pas d’amélioration des relations bilatérales quel que soit le résultat des élections américaines. » Jamais depuis la fin guerre froide, en effet, les relations entre les deux pays n’ont été aussi dégradées.
Relents sexistes
Mais cette défiance n’est pas tout à fait équitable et, plus qu’à son tour, Mme Clinton est tournée en dérision dans les médias pro-Kremlin qui publient, non sans relents sexistes, des photos d’elle dans des postures ridicules, les yeux écarquillés. Il y a pire dans la caricature. Le 20 octobre, lors d’un débat au sujet de la Syriesur la chaîne de télévision NTV, la candidate démocrate a été nommément citée comme la fondatrice de l’organisation Etat islamique.
A trois reprises, Oleg Barabanov, enseignant à l’Institut des relations internationales de Moscou et expert de la fondation Valdaï, le premier cercle d’influence russe, a répété : « C’est bien “Hillary” qui a créé les premières cellules de l’EI », n’entraînant pas d’autre réaction que des applaudissements. L’animatrice de l’émission avait enchaîné : « L’assaut sur Mossoul [lancé par les forces irakiennes et soutenu par les Occidentaux] est fait pour mettre cette ville aux pieds de Mme Clinton. »
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