02.11.2016 - Travailler à en mourir : voyage dans la peau du « Salaryman » nippon

Tokyo (AFP) – Il fait nuit sur Tokyo. La petite salle de karaoké est bondée, enfumée, alcoolisée. Chope de bière en main, Shinsuke Chiba se lance dans une version improbable d’un succès des Sex Pistols. Le jour, c’est un vendeur d’assurances, tout gentil tout gris.

Chiba, 41 ans, est marié, père de deux enfants. Et comme des millions d’autres Japonais, il ne verra ce soir-là ni sa femme ni ses petits. Ni ce soir, ni peut-être demain soir, ou les soirs d’après. Il rentrera trop tard, trop vaseux aussi sans doute, par le dernier train de banlieue. M. Chiba fait partie des « salarymen », ces millions de dociles fantassins de la « Japan Inc » qui, au sortir des bureaux, envahissent les rues des grandes villes du Japon pour aller s’entasser dans des izakayas (restaurants) et boire, rire, parler, se désinhiber « entre collègues », oublier les heures interminables de boulot, jusqu’à 12 ou plus par jour.

Beuveries = soupape

Une fois « sur zone », ces hordes de costumes noirs et chemises blanches se déboutonnent au propre et au figuré. La cravate est dénouée, la veste tombée, dans le meilleur des cas sagement pliée. Et plus les joues s’empourprent, plus les conversations se risquent sur le bizarre, touchent à l’intime, voire au très intime.

Le lendemain, de retour au bureau, tout le monde aura heureusement oublié ces « confessions » alcoolisées de la veille, mais au moins la soupape aura bien fonctionné.

« Boire, ça nous aide à nous détendre », assure Kiyoshi Hamada, un employé de banque de 54 ans.

Le premier prix à payer pour ce rituel « sociolcoolique » est l’épreuve du retour à la maison. Commence alors la grande transhumance nocturne et souvent zigzagante vers de lointaines banlieues.

Malgré un costume souvent en vrac, le salaryman tente de rester digne et surtout éveillé pour ne pas rater son arrêt, et les derniers trains filent dans un concert de ronflements et autres éructations.

« Les salarymen sont un des sujets favoris des histoires drôles. On se moque d’eux allègrement, mais au fond on les admire, ces bons soldats de l’entreprise Japon », analyse Jeff Kingston, le directeur des études asiatiques à l’Université Temple de Tokyo.

L’image du salaryman – costume noir, chemise blanche, sans oublier l’indispensable badge d’accès à sa boîte autour du cou – s’est un moment confondue avec celle du Japon triomphant dans les années 1970-1980. Et à l’étranger s’est alors imposé le cliché de ces « Men in black » comme symbole du Japon conquérant.

 

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