Je n’ai pas voté pour Jean-François Lisée. Il n’était pas mon premier choix, ni même mon deuxième.
Je l’ai connu en 1994. J’en ai gardé l’image d’un ambitieux manœuvrier, prêt à marcher sur toutes les têtes pour permettre à la sienne d’émerger. Et, en passant sans état d’âme du service immédiat de Jacques Parizeau à celui de Lucien Bouchard après la démission du premier dans le contexte qu’on connaît, ne se trouvait-il pas à faire preuve d’un opportunisme indécent quand on sait toute la différence entre les positions de ces deux chefs, une différence qui était loin de se limiter aux seules questions de stratégie ?
Je n’ai pas non plus apprécié ses propos lors du Brexit. Le citant d’bord, j’écrivais en éditorial :
« Je vous le dis franchement, j’aurais été Britannique, j’aurais voté pour rester dans l’Union européenne (comme les Écossais, donc) Un pays souverain dans une zone d’échange où on rediscute constamment de notre partage de souveraineté en fonction de ses intérêts et de l’intérêt collectif, je trouve ça plutôt bien. »
On notera que, pour Lisée, l’intérêt collectif est celui de l’entité fédérale, les intérêts du Québec devenant dès lors subordonnés. Il livre-là le fond de sa pensée, essentiellement fédéraliste.
Voter pour rester dans l’Union Européenne, c’était accepter le déficit démocratique, la tyrannie bureaucratique de Bruxelles, les diktats de Bruxelles, la dépossession de moins en moins tranquille de sa souveraineté, renoncer à son droit à l’auto-détermination, à la Home Rule, etc...
Pas fréquentable, ce Lisée. Il se range dans le camp de l’establishment contre le peuple. L’association économique au bénéfice de l’establishment est pour lui plus importante que la souveraineté du peuple et de l’État. Pour les Britanniques, c’est le contraire.
Étrange souverainiste ! D’autant plus que ces derniers mois, et jusqu’à ces jours derniers, des organisations aussi peu suspectes de dérive gauchiste ou souverainiste que le FMI, le grand cabinet de consultants internationaux McKinsey, et la Banque Mondiale, ont exprimé des réserves sévères sur les prétendus bienfaits du néo-libéralisme et de l’un de ses principaux sous-produits, la mondialisation, allant même jusqu’à les condamner.
Et ô surprise, la nouvelle première ministre britannique Theresa May, pourtant conservatrice, héritière de la très néo-libérale Margaret Thatcher, vient récemment de lancer un grand projet de ré-industrialisation du Royaume-Uni, mettant ainsi fin à 30 ans d’emprise néo-libérale sur l’économie britannique. Exit la Fourth Revolution si chère à Philippe Couillard et à l’Institut économique de Montréal de l’Empire Desmarais !
On souhaite que, devenu chef du PQ, Jean-François Lisée prenne le temps de se mettre à jour, faute de quoi il se trouvera implicitement à confirmer son adhésion aux thèses néo-libérales.
Il y a enfin ce questionnement qui m’est venu après mes recherches sur l’Empire Desmarais lorsque je me suis souvenu qu’il avait été correspondant de La Presse à Washington au milieu des années 1980, au moment même où les États-Unis et le Canada négociaient leur entente de libre-échange. Vu l’importance stratégique de ce poste pour l’Empire Desmarais à ce moment particulier, est-il pensable que Lisée ait pu l’occuper sans que celui-ci n’ait en lui la plus grande confiance ? Dès lors, Lisée n’est-il qu’un autre des nombreux pions de l’Empire Desmarais ?
Au moment où il prend la direction du Parti Québécois, ces questions demeurent sans réponse.
Cela dit, Jean-François Lisée est un homme aussi intelligent qu’il est ambitieux. Le voilà désormais chef du Parti Québécois. S’il est parvenu à d’imposer assez facilement face à ses adversaires, il lui reste à séduire ses collègues députés et l’establishment du parti dont la grande majorité favorisait plutôt la candidature d’Alexandre Cloutier.
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