15.09.2016 - La médecine dans les colonies...

Après l'élection de 1962, celle du «Maîtres chez nous» des anciens libéraux, le gouvernement Lesage avait entrepris de nationaliser les compagnies d'électricité. Hydro-Québec devenait ainsi le maître-d'œuvre des chantiers de la Manicouagan, et le ministre responsable, René Lévesque, avait décidé d'y imposer le français comme langue de travail à tous les niveaux. Jusque là, l'anglais dominait partout, de la chaîne de commandement à la documentation technique.

Quelle idée saugrenue… construire des barrages en français… Et pourtant, en deux ans à peine, les patrons unilingues anglais avaient été congédiés, les plans et devis étaient désormais rédigés en français, et la terminologie anglaise n'était plus, sur les immenses chantiers, que le mauvais souvenir d'une époque coloniale qui, espérait-on, achevait. L'expertise en génie pouvait parler français, autant que l'anglais. Il s'agissait de le vouloir et de prendre les moyens pour y arriver.

Aujourd'hui, un demi-siècle plus tard, on voudrait nous faire croire qu'il faut absolument connaître l'anglais pour devenir médecin. À entendre Philippe Couillard, Gaétan Barrette et leur propagandiste de l'heure, le Dr Gilles Brousseau de McGill, l'affaire est entendue. C'est évident. Pourquoi même en discuter? L'anglais fait partie de l'apprentissage d'un médecin au Québec. Si ce n'est pas dans la salle de classe, ce sera par les manuels scolaires et autres lectures obligatoires…

Mais c'est de la bouillie pour les chats!!! On se croirait de nouveau dans les bureaux très rhodésiens de la vieille Shawinigan Water and Power au début des années 1960…

À Paris, à Nantes, à Marseille, les étudiants deviennent médecins en français. Les Romains et Florentins font leurs études en italien. Les Madrilènes en espagnol. Les Moscovites en russe. Et cette médecine, on l'enseigne en chinois à Shanghai ou à Beijing, en allemand à Munich, en polonais à Varsovie, en grec à Athènes. Qu'un grand nombre de médecins de la planète comprennent l'anglais en 2016, j'en conviens, mais l'immense majorité d'entre eux ont appris à exercer la profession dans leur propre langue.

La médecine s'enseigne et s'apprend en français. Avec des professeurs et cliniciens francophones. Avec des manuels et une documentation en français. Si cela ne se fait pas ici, c'est que la volonté manque à l'appel. De toute évidence, elle n'y est guère à l'université McGill (après tout, c'est une université anglaise), et encore moins au sein de ce gouvernement, anglicisateur sans gêne et fossoyeur actif du Québec français depuis le règne de Jean Charest. Philippe Couillard l'a dit: il ne voit aucun problème à enseigner la médecine en anglais aux francophones de l'Outaouais…

Dans une lettre au quotidien Le Droit, publiée ce 15 septembre (bit.ly/2cXuvXs), les Dr Brousseau et Eidelman (doyen de médecine à McGill) y vont de leur version insidieuse du «C'est ça ou rien» de notre ineffable députée de Hull, Maryse Gaudreault. La formule est moins lapidaire mais tout aussi lourde de sens: «parfois, écrivent-ils, le mieux est l'ennemi du bien». Ça, ça veut dire: si vous y tenez en français sans compromis, vous n'aurez rien…

Et au cas où les colons québécois francophones (rien à voir avec les côlons…) n'auraient pas compris, nos deux sauveteurs de McGill rappellent pour la nième fois que «les diplômés en Outaouais, comme ceux de partout ailleurs au Québec, ont avantage à pouvoir maîtriser les deux langues pour comprendre la littérature scientifique qui leur est destinée et pour desservir avec sensibilité l'ensemble de la population québécoise». C'est à peu près exactement ce que nous disaient les barons anglos de l'électricité pour la technologie du génie il y a 55 ans…

Je vous garantis que si un groupe de chercheurs québécois trouve un jour le moyen de guérir une des multiples formes de cancer et publie en français seulement, la planète entière trouvera des traducteurs pour mettre leur découverte au service des patients de toutes les nations. Quant à «desservir avec sensibilité» l'ensemble de la population, j'ai appris ce que cela voulait dire quand j'étais Franco-Ontarien et qu'à chaque fois que j'allais dans un hôpital soi-disant bilingue, on me faisait comprendre que si je voulais des soins, j'avais avantage à accepter les services en anglais (le mieux, ennemi du bien…).

 

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