14.09.2016 - Question kurde et guerre en Syrie : une de perdue, dix de retrouvées

Une fois n'est pas coutume, le Washington Post a publié il y a quelques jours un intéressant article sur les conséquences du reflux daéchique en Syrak. L'honnête homme/femme qui suit ce blog et s'intéresse à l'état du monde n'apprendra certes pas grand chose mais il nous semble utile de relever les rares rayons de soleil perçant l'opaque grisaille désinformatrice de la MSN.

Intitulé Dix nouvelles guerres pouvant résulter de celle contre l'EI, le papier se penche de fait sur les conflits latents ou déjà réels susceptibles d'éclater à mesure que le califat auto-proclamé recule. En voici la liste :

  1. Kurdes soutenus par les Américains vs rebelles arabes soutenus par la Turquie.
  2. Turquie vs Kurdes syriens
  3. Kurdes syriens vs gouvernement syrien
  4. États-Unis vs Syrie
  5. Turquie vs Syrie
  6. Kurdes irakiens vs gouvernement irakien
  7. Kurdes irakiens vs milices chiites irakiennes
  8. Kurdes vs Kurdes
  9. Sunnites irakiens vs chiites et/ou Kurdes irakiens
  10. Guérilla daéchique vs tout le monde

Certaines hypothèses se recoupent plus ou moins (1. et 2. ou 6. et 7. par exemple) et quelques simplifications ont été faites, mais il est intéressant de voir pour une fois la machine médiatique pondre autre chose que l'habituelle gelée prête-à-penser et, au contraire, montrer toute la complexité de la situation.

Nous avons parlé de 1. & 2. à de multiples reprises. Contrairement à ce que Washington avait publiquement déclaré, les YPG kurdes ne se sont pas retirées de l'ouest de l'Euphrate, semblant d'ailleurs de ce fait désobéir à leur branche politique, le PYD. La situation est assez confuse et les escarmouches continuent, même si elles ont semble-t-il baissé d'intensité ces derniers jours.

Puisque l'on parle de la frontière syro-turque, une petite note personnelle pour rendre hommage à la "Penelope Cruz kurde", morte dans un combat contre Daech.

Nous nous sommes également étendus plusieurs fois sur l'hypothèse 3. et l'affaire d'Hassaké, plus grave que d'habitude et qui a vraisemblablement été l'étincelle qui a rabiboché Damas et Ankara. Quant à 4. et maintenant 5., elles semblent exclues.

6. & 7. sont en stand-by et n'interviendront, si elles ont lieu, qu'une fois Daech annihilée en Irak. Ce qui est sûr, c'est que des combats ont déjà eu lieu à plusieurs reprises entre milices chiites et kurdes et que, plus généralement, la tension est bien réelle, notamment autour du pétrole de Kirkuk.

La division inter-kurde pouvant mener à l'hypothèse 8 a été abordée à de nombreuses reprises sur ce blog :

Rappelons que les Kurdes sont actuellement grosso-modo divisés en deux camps totalement antagonistes :

- Kurdes syriens (PYD et sa branche armée YPG) + Kurdes turcs (PKK) + une partie des Kurdes irakiens (PUK). Férocement anti-turcs, relativement anti-américains et pro-russes.
- l'autre partie des Kurdes irakiens (PDK de Barzani qui a la haute main sur Erbil et le Gouvernement Régional du Kurdistan irakien, GRK). Pro-turcs, plutôt pro-américains.

Pas plus tard qu'hier, le PYD a encore accusé Barzani d'avoir supporté l'incursion turque de Jarablous afin d'empêcher l'établissement de Rojava. Ambiance, ambiance... Les pseudos-intellectuels ou journalistes qui évoquent "les Kurdes" en général, comme si c'était un tout uni, n'ont visiblement jamais mis les pieds dans la région qui se rappelle encore la violente guerre civile entre les deux Kurdistans irakiens dans les années 90. Celle-ci cessait quand les chars de Saddam montraient le bout de leur canon puis reprenait comme si de rien n'était quand les Irakiens repartaient.

L'hypothèse 9 paraît peu probable étant donné l'affaiblissement des sunnites qui auraient plutôt intérêt à faire oublier l'épisode daéchique. Quant à 10., c'est plus que possible. Depuis un an, à mesure que son territoire se réduit, l'EI est déjà en partie redevenu ce qu'il était à la base : un groupe djihado-terroriste perpétrant attentats et menant guérilla. S'en débarrasser définitivement sera difficile et sanglant.

Avec en plus le risque de voir surgir ces autres conflits latents : dix guerres pour le prix d'une. La boîte de Pandore a été deux fois ouverte, en 2003 (Irak) et en 2011 (Syrie). Se refermera-t-elle un jour ?

 

Source : Chroniques du Grand jeu

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