07.09.2016 - Robert Redeker : « L’école s’applique à effacer la civilisation française »

[Note du carnet : Nous partageons en partie l’analyse sans concession de la situation de Redecker ci-dessous, comme certaines des solutions proposées. Mais à l’inverse de l’auteur, il faudrait se demander si l’universalisme abstrait et idéologique républicain n’est pas précisément à la source du refus de la fraternité nationale et du mépris de l’identité française. 

Il va sans dire que la situation dans les écoles québécoises y est sans doute pire : on n’y apprend pas grand-chose de la civilisation française, même adaptée ici. Plus de classiques, peu de « sensibilisation » valorisante au passé des Français d’ici. On y enseigne tous les lieux communs de la pensée bobo postnationale : la théorie du genre et la lutte à l'hétérosexisme (cours d'éducation sexuelle mais pas uniquement), écologisme, immigrationnisme béat, multiculturalisme (ECR) et valorisation du passé autochtone parfois mythifié (« L’utopie dans le tipi »). Oui, aux couvre-chefs indiens dans les écoles, non à la sensibilisation au passé glorieux des colons français (ce serait exclure les immigrants, revanchard, etc.)]

En ne remplissant plus sa fonction traditionnelle de transmission, l’école de la République est devenue une fabrique de zombies et d’individus hors sol, explique le Robert Redeker dans L’École fantôme, un essai percutant dans lequel il analyse les causes de ce désastre et trace des voies pour l’avenir.

Robert Redeker est un philosophe à l’esprit lucide et au verbe tranchant. Il le paye depuis dix ans en vivant loin du monde sous garde rapprochée, suite à une chronique célèbre où il dénonçait les intimidations de l’islamisme. Auteur de nombreux ouvrages, il n’a cependant jamais cessé de publier du fond de sa retraite. Il livre aujourd’hui un terrible constat de ce qu’est devenue l’école en France. Crise de l’enseignement, crise de l’éducation, crise de la vie. Selon lui, il n’y a pas d’école sans une pensée de l’homme, de la société et de l’identité nationale, toutes notions qui ont profondément été bouleversées depuis 1981.

Le Figaro Vox — La question de l’école n’a-t-elle pas pris une dimension quasi ontologique en cette période de trouble ?

Robert Redecker — L’école de la République est un village Potemkine laissant croire, tel ce trompe-l’œil de propagande, qu’existe toujours, derrière ce mot, ce que les Français supposent être leur école. Par exemple, toute une propagande tente de faire croire, en dépit de l’aveuglante évidence, que le baccalauréat est encore un diplôme et un niveau, que l’école a encore des exigences intellectuelles. Même est le mot, qui a été sauvé, autre est la réalité, qui a été chamboulée. L’école en France a été assassinée, le fantôme de ce qu’elle fut porte son nom. Désignons les assassins. Le pédagogisme, avec à sa tête son âme damnée, Philippe Meirieu, et à sa solde toute la bureaucratie de l’institution. Najat Vallaud-Belkacem, via la réforme du collège, a parachevé le meurtre de l’école de la République avec une rage peu commune.

« L’enseignement doit être résolument retardataire », a dit Alain. Il ne prépare l’avenir qu’en plongeant l’élève dans le passé. L’école ne doit pas être explicitement ordonnée au progrès (social, humain, politique), mais à la conservation, qui passe par la transmission de contenus. Or, depuis 1981, réforme après réforme, l’école ne cesse de s’éloigner de sa raison d’être. Elle refuse désormais de transmettre le savoir, spécialement le savoir littéraire, devenant, selon le mot de Jean-Claude Michéa, « l’enseignement de l’ignorance ». Fabriquer des ignorants — en substituant à l’enseignement l’« apprendre à apprendre » — est désormais la pratique de notre système scolaire.

Voulue, planifiée, organisée, cette destruction poursuit obstinément un but anthropologique : la fabrication d’un homme nouveau, le remplacement du type d’homme tel qu’il existe dans les nations européennes depuis des siècles par un type inédit. Un homme hors-sol, déraciné, un zombie hébété. Un homme échangeable avec tous les autres hommes de la planète. Un homme aussi abstrait qu’un numéro : l’homme indéterminé. Un homme équivalent à tous les autres hommes — sur le fond de la confusion entre l’égalité et l’équivalence. Cette perspective rend compte de toutes les récentes réformes, puisque pour la réaliser il faut empêcher l’accès des jeunes générations à la haute culture, changer, à travers des dispositifs comme les ABCD de l’égalité, les cours en heures de propagande pour la transformation anthropologique. Les propos de Najat Belkacem laissent toujours paraître cette ambition : changer l’homme, changer la femme, faire émerger un homme nouveau et une femme nouvelle.

Vers quoi cette volonté politique se dirige-t-elle ?

L’école contemporaine est régie par la volonté de substituer la société à la nation et au peuple. La société à la place de la nation, que l’on hait ! La société à la place du peuple, que l’on méprise ! Cette école veut engendrer une société d’équivalents — non d’égaux — qui n’a besoin ni d’héritage, ni d’Histoire, ni de racines, dont la culture n’est plus que la culture de masse, l’inculture génératrice d’hébétude. C’est à la constitution de ce type de société que travaille la réforme du collège. Le démantèlement des matières au profit des enseignements décloisonnés et l’abandon des enseignements systématiques visent à former des humains intellectuellement déstructurés.

 

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