04.09.2016 - « L’héroïne électronique » : comment les écrans transforment les enfants en drogués psychotiques

Susan* a acheté un iPad à son fils de 6 ans, John, lorsqu’il était au CP. « J’ai pensé : ‘Pourquoi ne pas le laisser prendre de l’avance?' » m’a-t-elle confié durant une séance de thérapie. L’école de John avait commencé à utiliser ces outils avec des élèves de plus en plus jeunes — et son professeur de technologie ne tarissait pas d’éloges à l’égard de leurs bénéfices éducatifs — Susan voulait donc faire ce qui était le mieux pour sa petite tête blonde qui adorait lire et jouer au baseball.

Elle a commencé par laisser John jouer avec différents jeux éducatifs sur son iPad. Finalement, il a découvert Minecraft, dont l’enseignant en technologie lui a assuré qu’il n’était rien d’autre qu’un « Lego électronique ». Se souvenant du plaisir qu’elle avait, étant enfant, à construire et à s’amuser avec ces blocs de plastiques qui s’emboîtent, elle a laissé son fils jouer à Minecraft des après-midi durant.

Au début, Susan était assez satisfaite. John semblait être engagé dans un amusement créatif, alors qu’il explorait le monde cubique du jeu. Elle n’a pas remarqué que le jeu n’avait rien à voir avec les Lego dont elle se souvenait — après tout, elle n’avait pas à tuer des animaux ni à trouver des minerais rares pour survivre et accéder au niveau suivant lorsqu’elle jouait à son ancien jeu bien aimé. Mais John semblait vraiment apprécier ce jeu et l’école avait même une association Minecraft, alors est-ce que ça pouvait vraiment être néfaste ?

Pourtant, Susan ne pouvait pas nier qu’elle voyait des changements chez John. Il commençait à être de plus en plus concentré sur son jeu, et perdait tout intérêt dans le baseball et la lecture, tandis qu’il refusait d’effectuer ses corvées. Certains matins, il se réveillait et lui disait qu’il pouvait voir les formes cubiques dans ses rêves.

Bien que cela l’inquiétait, elle pensait que son fils faisait peut-être simplement preuve d’une imagination active. Alors que son comportement continuait à se détériorer, elle a essayé de retirer le jeu mais John a commencé à faire des crises de colère épouvantables. Ces crises étaient si intenses qu’elle a abandonné, rationalisant toujours en se répétant encore et encore que « c’est éducatif ».

Puis, une nuit, elle a compris que quelque chose n’allait vraiment pas.

« Je suis entrée dans sa chambre pour le surveiller. Il était censé dormir – et j’ai eu si peur… »

Elle l’a trouvé assis dans son lit le regard fixe, les yeux écarquillés et injectés de sang, perdus dans le vide, l’écran scintillant de son iPad posé près de lui. Il semblait être en transe. Ne pouvant plus contenir sa frayeur, Susan a dû secouer le garçon à plusieurs reprises pour le sortir de cet état. Affolée, elle ne pouvait pas comprendre comment son garçon qui avait autrefois été un enfant sain et heureux soit devenu si accro au jeu qu’il se tordait dans une stupeur catatonique.

Il y a une raison pour laquelle les parents les plus méfiants face à la technologie sont les concepteurs et les ingénieurs en technologie. Steve Jobs était bien connu pour être un parent anti-technologie. Les directeurs techniques et ingénieurs de la Silicon Valley placent leurs enfants dans les écoles Waldorf, non-technologisées. Les fondateurs de Google, Sergey Brin et Larry Page sont issus d’écoles Montessori, non-technologisées, à l’instar du créateur d’Amazon Jeff Bezos et du fondateur de Wikipédia Jimmy Wales.

Bon nombre de parents comprennent intuitivement que les écrans lumineux omniprésents ont un effet négatif sur les enfants. On observe des crises de colère lorsque ces outils leur sont retirés et des périodes de déficit d’attention lorsque les enfants ne sont pas sans arrêt excités par leurs appareils ultra stimulants. Pire, on constate que les enfants s’ennuient, deviennent apathiques, inintéressants et indifférents lorsqu’ils ne sont pas connectés.

Seulement, c’est encore pire que ce que nous pensons.

Nous savons désormais que ces iPads, smartphones et Xbox sont une forme de drogue numérique. Des recherches récentes en imagerie cérébrale montrent qu’ils affectent le cortex frontal — qui contrôle la fonction exécutive, y compris le contrôle des impulsions — exactement de la même façon que la cocaïne. La technologie est tellement stimulante qu’elle augmente les taux de dopamine — le neurotransmetteur du plaisir le plus impliqué dans la dynamique de l’addiction — autant que le sexe.

Cet effet addictif explique pourquoi le Dr Peter Whybrow, directeur du programme de neuroscience à l’Université de Californie de Los Angeles, appelle les écrans la « cocaïne électronique » et pourquoi les chercheurs chinois l’appelle « l’héroïne numérique ». D’ailleurs, le Dr Andrew Doan, à la tête de la recherche sur les addictions pour le Pentagone et la marine américaine — qui a enquêté sur l’addiction aux jeux vidéo — appelle les jeux vidéo et les dispositifs technologiques munis d’écrans des « pharmakeia numériques » (terme grec pour désigner les drogues).

Dans mon travail clinique auprès de plus de 1000 adolescents au long des15 dernières années, j’ai compris que le vieil adage “mieux vaut prévenir que guérir” est particulièrement juste lorsqu’il s’agit de dépendance aux technologies. Une fois qu’un enfant a passé le cap de l’addiction technologique, le traitement peut être très difficile. J’ai même trouvé qu’il était plus facile de traiter un patient accro à l’héroïne ou à la méthamphétamine en cristaux que des joueurs invétérés « perdus dans la Matrice » ou que des toxicomanes des réseaux sociaux accros à Facebook.

 

Lire la suite sur Le Partage, traduction depuis New York Post

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