02.09.2016 - Corée du Nord : le bobard de la grande construction

Le 10 août 2016, un certain nombre de médias ont répercuté l’information à sensation du journal The Telegraph : « Le nouveau crime du régime – les constructeurs nord-coréens qui érigent un gratte-ciel de 70 étages à Pyonyang sur ordre de Kim Jong-un sont nourris de force avec un médicament à la méthamphétamine pour accélérer le processus de construction et tenir les délais. »

Le gratte-ciel – un complexe d’immeubles de hauteurs variables situé sur la rue Ryomyong – est construit par des centaines de milliers (oui, l’article d’information livre exactement la même citation) de gens à un rythme vraiment accéléré. Mais ce qui arriverait aux constructeurs s’ils ne tenaient pas le délai est « généralement connu ». Par conséquent, les contremaîtres sur les sites du chantier sont soumis à forte pression, et les ouvriers sont très fatigués et n’ont juste pas assez de force pour terminer le travail dans les temps.

De cette manière, selon les auteurs de l’article d’information, les méchants contremaîtres donnent ouvertement la drogue interdite aux ouvriers, dans l’espoir que cela les aidera à accélérer la construction du bâtiment, puisque les utilisateurs de méthamphétamine en cristaux présentent un sentiment d’euphorie, des performances accrues et une diminution de l’appétit. L’effet de cette drogue peut durer plus de 12 heures et sa production est soutenue au niveau de l’État.

Selon la « source d’information à Pyongyang », les ouvriers qui construisent souffrent terriblement, puisque les conséquences de l’usage de l’amphétamine sont très dangereuses : épuisement, dépression, destruction des organes internes. « Il est difficile de confirmer que de telles choses se produisent, mais si c’est le cas, nous les condamnons vigoureusement », écrit le journal, citant Phil Robertson, le directeur de l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch en Asie, ajoutant que selon des militants des droits humains, les conditions dans lesquelles les ouvriers du bâtiment nord-coréens travaillent ne sont pas différentes de l’esclavage et que c’est une raison suffisante pour introduire de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, et contre Kim Jong-un personnellement.

La première question à poser lorsque de telles nouvelles à sensation apparaissent est d’où est venue cette information, et pourquoi les sites d’information de Corée du Sud n’ont pas de renseignements à ce sujet. Parce que s’il y avait une chance qu’ils en aient, ils en feraient sûrement usage. Hélas, c’est simple. The Telegraph fait référence à Radio Free Asia, et j’ai déjà expliqué ce que c’est à de nombreuses reprises auparavant. C’est un bureau privé basé aux États-Unis engagé dans des activités de propagande explicites, qui est pire que Free Europe, puisqu’il est aussi contrôlé par l’Église de l’unification fondée par Sun Myung Moon.

Le texte original émanant de la RFA est encore plus remarquable. Il est clair que la nouvelle à sensation a été rapportée par des sources anonymes, mais la principale preuve de son authenticité est que l’inscription révélatrice a été découverte le 27 juillet sur le mur d’un bâtiment non terminé, près de mégots de cigarettes et de bouteilles vides. C’est pourquoi le gouvernement souffle les flammes de l’enfer et que les autorités compétentes sont à la recherche des coupables. Que le mur soit à Pyongyang est vrai, mais la source qui a rapporté l’information réside dans la province montagneuse et frontalière de Ryanggang. Cependant, selon les sources de la RFA, « il y a même des inscriptions injuriant personnellement Kim Jong-un, ce qui indique la présence d’une forte résistance dans le pays ».

Quel est le principal problème dans cette histoire excitante ? Il réside dans le fait que l’effet de la méthamphétamine décrit par les rédacteurs du faux est principalement inspiré de la série TV Breaking Bad. En effet, la drogue commence certainement par provoquer un peu d’euphorie. Mais tout d’abord, de l’euphorie et une réticence à dormir ne sont pas identiques à une efficacité et une productivité élevées, en particulier quand il ne s’agit pas de travail créatif, mais routinier et monotone, ce qui est typique de la construction.


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