22.08.2016 - Agressivité au féminin : dix femmes en colère

Note du Bonnet : il ne s'est jamais agi pour les femmes de combattre le "patriarcat", mais bien d'y prendre part ...

Il y a quelques mois, Catherine* a tenté de poignarder son copain avec un ustensile de cuisine. Le regard sévère et les bras croisés, la jeune femme mâche compulsivement une gomme. Dans la pièce, une dizaine de femmes sont assises, comme elle, sur des chaises disposées en cercle. Toutes ont fait un geste violent qui les a menées ici, chez Option à Montréal.

Elles ont menacé, harcelé, bousculé ou frappé leur conjoint ou ex-conjoint. Les lundis soir, elles participent à un groupe de suivi pour femmes exerçant de la violence conjugale et familiale. Visiblement, Catherine n’y est pas de gaieté de cœur. Trois participantes sur quatre ont l’obligation de suivre cette thérapie, d’une durée de 21 semaines, sur ordonnance de la cour. Plusieurs sont interdites de contact avec les plaignants.

Ces femmes sont jeunes, âgées en moyenne de 30 ans. Leur violence se manifeste sous différentes formes. « Ça va du contrôle financier à l’agression physique, mais on voit surtout de la violence psychologique. Les femmes sont portées à dénigrer, rejeter, manipuler, harceler », note Patricia Connelly, travailleuse sociale et animatrice chez Option.

Mila met fin à ses relations amoureuses à la première embrouille. « Je suis gentille, mais si tu me cherches, je frappe », dit-elle au groupe. Mère célibataire, elle craint la prison.

La violence peut être moins flagrante, plus sournoise. « Dans la littérature, on mentionne souvent l’utilisation du système judiciaire comme levier de pouvoir dans la relation, explique Éric Couto, travailleur social et chargé de cours à l’Université de Montréal. Une femme menace de laver son mari avec le divorce, de l’empêcher de voir ses enfants ou de porter de fausses accusations contre lui. »

Alors que les ressources pour hommes aux comportements violents sont nombreuses, les services sont à peu près inexistants pour les femmes ayant cette problématique. « Ces femmes sont souffrantes, fragiles, souvent attachantes, dit Mme Connelly. Elles ont besoin d’aide pour reconnaître leur agressivité et la contrôler. Or, la violence des femmes est encore taboue, on fait comme si ça n’existait pas. »

LE DÉNI DES FÉMINISTES

Pionnière dans l’intervention auprès des femmes violentes, Pierrette Cliche a vu son travail susciter un lot de préjugés et de critiques. « Il y a 20 ans, c’était très mal perçu de parler de violence au féminin. On n’admettait pas que ça puisse exister. Les principales résistances sont venues du milieu féministe. Ce déni a été loin d’aider la cause des femmes », déplore Mme Cliche, directrice du centre de réinsertion sociale Expansion-femmes de Québec.

C’est dans la controverse qu’elle a démarré, en 1996, le programme Temps d’arrêt destiné aux femmes violentes. Même grogne à Montréal lors de la création d’un groupe pour femmes chez Option. « On s’est fait lancer des tomates. Comme si une femme ne pouvait être violente qu’en réponse à la violence de l’homme, pour se protéger. Ce n’est pas ce qu’on voit ici », dit Patricia Connelly.

« Les femmes n’acceptent plus de se faire écraser dans un coin, elles sont fières de participer à la violence mutuelle, d’en assumer une responsabilité », indique la sociologue Françoise Guay. Selon elle, Unité 9 a aidé à démystifier la violence des femmes. « Malgré tout, on en parle peu et avec retenue, peut-être de peur d’être associé à tort au discours masculiniste qui démonise les femmes. »

Professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal, Dominique Damant a bâti un programme offert, de façon sporadique, dans les Centres des femmes de Longueuil, Granby, Laval et Saint-Jérôme. L’objectif ? Aider les femmes violentes à reprendre leur vie en main. « Ces femmes ont souvent subi elles-mêmes une énorme violence dans plusieurs sphères de leur vie. Plusieurs ont un diagnostic psychiatrique, sont toxicomanes, vivent dans une pauvreté extrême », souligne-t-elle.

« Tous les humains, hommes et femmes, sont potentiellement des agresseurs. Avec l’âge, nous apprenons à contrôler notre agressivité, mais le vernis reste fragile. Les cas les plus extrêmes s’expliquent par transmission intergénérationnelle. »

 

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