17.08.2016 - «Alep aux mains d'al-Qaïda pourrait devenir la capitale d'un émirat rival de Daech»

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le sort de la bataille d'Alep en Syrie est encore incertain. Pour Frédéric Pichon, le camp rebelle tenu par les djihadistes constitue un terreau fertile pour les attaques terroristes en Occident. La Russie veille à ce qu'Alep ne tombe pas en leurs mains.

Frédéric Pichon est un géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient. Auteur d'une thèse de doctorat sur la Syrie et chercheur associé à l'Université de Tours, il a publié Géopolitique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (co-aut., éd. PUF, 2012) et Syrie: Pourquoi l'Occident s'est trompé (éd. Editions du Rocher, 2014).

FIGAROVOX. - On parle beaucoup d'encerclement dans le cadre de la bataille d'Alep. Qui encerclent qui aujourd'hui entre les «rebelles» et l'armée syrienne?

Frédéric PICHON. - La situation à Alep est beaucoup plus compliquée que la manière dont les médias occidentaux l'ont rapportée depuis 2011. La partie orientale d'Alep dont se sont emparés en 2012 les rebelles en en chassant la plupart des habitants vers l'ouest a été coupée de ses lignes d'approvisionnement grâce au contrôle d'une artère (Castello Road) par l'armée et ses alliés, ainsi que par les Kurdes. En réalisant cela, ils ont pu réduire considérablement les attaques aveugles qui visaient les quartiers loyalistes et kurdes et qui faisaient des dizaines de morts chaque semaine. La rebellion unifiée sous la bannière d'al-Qaïda (Jabhat al-Fatah al-Cham, ex-Front al-Nosra) a tenté de se dégager de cette étreinte en lançant avec succès une contre-offensive pour briser le siège.

Derrière l'appellation de rebelles, de qui s'agit-il?

Comme annoncé depuis plusieurs mois, les djihadistes et les salafistes dominent de façon écrasante la «rébellion», en particulier à Alep. C'est le résultat des facilités accordées par le passé par la Turquie à tous les éléments les plus radicaux venus combattre en Syrie, alimentés par les fonds du Golfe et formatés par la propagande salafiste de ces mêmes pays.

La Syrie constitue un terreau fertile pour les attaques terroristes à venir en Occident. 2017 sera une année malheureusement tragique pour l'Europe, ventre mou de cette lutte titanesque.

Quels sont les avantages stratégiques à conquérir Alep?

Alep, dominé par l'ex front al-Nosra, pourrait devenir une capitale de cet émirat rival de Daech. C'est donc un enjeu crucial, y compris pour Damas qui perdrait aussi ce qui fut jadis le poumon économique du pays.

Si l'ensemble d'Alep tombait aux mains des rebelles, quelles seraient les conséquences pour les minorités, notamment les alaouites et les chrétiens?

Comme partout en Syrie, les Alaouites seraient très exposés. Il faut d'ailleurs se rappeler que la contre-offensive rebelle a été baptisée du nom d'un officier, Ibrahim Youssef, qui ordonna l'exécution de 80 cadets alaouites à Alep en 1979. Cela fait partie de la stratégie de terreur utilisée par les rebelles: en cas de victoire, il n'y aura pas de pitié pour les loyalistes, en particulier alaouites.

 

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