03.08.2016 - L’industrie du gaz de schiste accusée de venir « mettre ses déchets chez les Noirs et les pauvres »

Déversements sauvages de déchets toxiques, contamination des réseaux d’eau urbains, séismes... La ville de Youngstown dans l’Ohio fait l’expérience cruelle des problèmes environnementaux associés à l’expansion du gaz de schiste. Aussi bien la fracturation hydraulique que la pratique – peu connue en Europe – qui consiste à réinjecter ses eaux usées dans le sous-sol, représentent un risque majeur de contamination des ressources en eau. Une question qui concerne aussi les Européens, alors que la Bruxelles envisage d’ouvrir davantage le continent aux importations de gaz de schiste américain. Deuxième volet de notre reportage sur l’industrie du gaz de schiste dans l’Ohio.

Le gaz de schiste est surtout une affaire de gagnants et de perdants. Si l’arrivée dans l’Ohio de cette industrie a profité aux compagnies pétrolières et à leurs actionnaires, les retombées pour les populations locales paraissent autrement plus problématiques. Les propriétaires qui ont loué leurs terres à ces compagnies pour qu’elles en exploitent le sous-sol peinent souvent à recueillir les bénéfices financiers qu’on leur a fait miroiter, tandis que les riverains des sites de fracturations en subissent de plein fouet les nuisances (voir le premier volet de cette enquête). Au-delà, c’est la population dans son entier qui est affectée par l’impact environnemental de l’industrie du schiste.

Autour de Youngstown comme un peu partout dans le monde, ce sont les menaces de contamination de l’eau potable par des produits chimiques toxiques ou du méthane qui focalisent les craintes. Pourtant, malgré les controverses, une grande partie des élus et fonctionnaires américains chargés de réguler le gaz de schiste semblent continuer à se fier aveuglément aux dires des industriels sur l’innocuité de leurs procédés. « Les fonctionnaires d’ici n’ont visiblement jamais entendu parler du principe de précaution », soupire Raymond Beiersdorfer, un habitant de Youngstown qui anime la résistance contre le gaz de schiste.

Un exemple ? À Youngstown même, un permis de fracturer a été accordé à la société Halcón, sur une concession de 5 000 acres (20 km2) en bordure du Meander Reservoir, un immense lac artificiel creusé dans les années 1930 et qui constitue l’unique source d’eau potable de la ville. Apparemment, ni le département municipal de l’eau ni l’agence de l’environnement de l’Ohio n’avaient été notifiés par le département des ressources naturelles de l’État, qui a délivré l’autorisation, malgré le risque que les produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique ne migrent progressivement dans le réseau d’eau potable de Youngstown. Début 2013, déjà, des fissures ont été repérées sur un puits de gaz de schiste foré par Consol Energy, dans le bassin versant du réservoir.

Des produits toxiques dans les réseaux d’eau potable

Dès les premiers pas de cette industrie, les risques de contamination des nappes phréatiques par la fracturation hydraulique ont focalisé le mouvement de résistance contre le gaz de schiste. Les images d’eau du robinet prenant feu au contact d’une allumette, en raison de la présence de méthane, ont fait le tour du monde. Depuis, plusieurs études sont venues confirmer la réalité de ces risques [1]. Les puits individuels puisant dans les nappes phréatiques – qui restent une forme très répandue d’approvisionnement en eau potable aux États-Unis en dehors des grandes villes – sont les plus vulnérables, mais les réseaux urbains ne sont pas à l’abri.

Selon les militants de Youngstown, les contrôles de la qualité de l’eau réalisés par le département municipal de l’eau de la ville ne sont pas à la hauteur des risques. Les régulations fédérales américaines contraignent les fournisseurs d’eau à tester la présence de seulement 91 substances dans l’eau potable, alors que la fracturation hydraulique en utilise plusieurs centaines, dont certaines sont tenues secrètes. En outre, durant le deuxième trimestre 2013, le département municipal a tout simplement « oublié » de tester la présence de THM et d’AHA [2]. Deux ans plus tard, en septembre 2015, il a alerté la population sur la présence de THM dans l’eau potable de la ville, mais en déniant toute relation avec le gaz de schiste [3].

Pourtant, la contamination par des eaux usées de la fracturation hydraulique figure bien parmi les causes possibles de l’apparition de ces deux classes de substances chimiques, potentiellement toxiques dans l’eau [4]. C’est ainsi qu’en 2010, le département de l’eau de la métropole de Pittsburgh (Pennsylvanie), à une centaine de kilomètres de Youngstown, a constaté une augmentation anormale des THM dans son eau. Les experts mandatés ont fini par identifier la source du problème : des stations de traitement qui recevaient des eaux usées issues de la fracturation hydraulique mais ne possédaient pas les équipements nécessaires pour les dépolluer efficacement. Celles-ci rejetaient ensuite ces liquides dans l’Alleghany et les autres rivières dont Pittsburgh tire son eau potable [5].

 

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