28.07.2016 - Accaparement mondial des terres agricoles en 2016 : ampleur et impact

Huit ans après la publication de son premier rapport sur l'accaparement des terres, qui a inscrit cette question à l'ordre du jour international, GRAIN publie un nouvel ensemble de données qui offre des précisions sur près de 500 cas d'accaparement des terres dans le monde entier.

En octobre 2008, GRAIN a publié un rapport intitulé « Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière ». Il exposait comment une nouvelle vague d'accaparement des terres balayait la planète sous prétexte de répondre aux crises alimentaire et financière mondiales. « D'un côté, écrivions-nous, des gouvernements préoccupés par l'insécurité alimentaire qui recourent à des importations pour nourrir leurs populations s'emparent de vastes territoires agricoles à l'étranger pour assurer leur propre production alimentaire offshore. De l'autre, des sociétés agroalimentaires et des investisseurs privés, affamés de profits dans un contexte d'aggravation de la crise financière, voient dans les investissements dans des terres agricoles à l'étranger une source de revenus importante et nouvelle. ».[1] Dans l'annexe au rapport de 2008, nous avons recensé plus d'une centaine de ces transactions foncières d'un type nouveau et de plus en plus fréquentes qui, jusqu'à présent, étaient enfouies dans les pages affaires de journaux comme le Vientiane Times et le Sudan Tribune. Nous ne nous doutions pas qu'en rassemblant simplement ces coupures de presse et ces analyses, ce rapport allait déclencher un formidable intérêt médiatique au niveau international, une vague de militantisme social et de combat politique, sans même parler des épineux problèmes posés aux entreprises concernées.

Huit ans plus tard, nous sommes revenus examiner les données, les multitudes d'informations sur des cas d'accaparement de terres destinées à la production alimentaire que nous avons suivis et évalués. Au cours de ces dernières années, l'équipe de GRAIN et ses alliés dans différentes régions du monde ont effectué un suivi quotidien des médias et d'autres sources d'informations et ont publié des rapports sur l'évolution de l'accaparement des terres sur une plate-forme en accès ouvert, farmlandgrab.org. Nous nous sommes appuyés sur ce site web pour construire cette base de données qui contient 491 transactions foncières couvrant plus de 30 millions d'hectares dans 78 pays.[2] Cette nouvelle étude montre que, même si certains accords ont été abandonnés en cours de route, le mouvement mondial d'accaparement des terres agricoles est loin d'être terminé. Au contraire, à de nombreux égards, il s'aggrave, s'étend à de nouveaux horizons et entraîne une intensification des conflits dans le monde entier. Nous espérons que cette base de données actualisée constituera un outil utile pour les mouvements, les communautés, les chercheurs et les militants qui se battent contre l'accaparement des terres et défendent les systèmes alimentaires communautaires.

Huit ans plus tard : une évaluation globale

Le tableau d'ensemble que nous dressons à partir de cette étude est préoccupant. Tout d'abord, la nouvelle tendance que nous évoquions en 2008 s'est poursuivie et s'est aggravée. Si la plupart des pays ne connaissent pas actuellement les énormes flambées des prix des produits alimentaires de base qui avaient déclenché des émeutes en Haïti ou en Égypte en 2008, les prix restent résolument élevés et l'accès à l'alimentation est une lutte quotidienne pour la plupart des gens.[3] Aujourd'hui, la situation est aggravée par l'impact croissant du changement climatique.  Les pertes de récoltes dues aux conditions météorologiques extrêmes sont devenues si graves dans des zones comme le sud des Philippines que l'on trouve des agriculteurs dans la rue qui mendient pour se nourrir et sont tués pour cela.[4] Nous disposons même maintenant de preuves supplémentaires que le changement climatique n'est pas provoqué seulement par la combustion du charbon et du pétrole pour les transports et la production d'énergie, mais qu'il l'est aussi par le système alimentaire industriel lui-même et la recherche de profit des entreprises qui est le moteur de son expansion. En fait, le changement climatique et l'accaparement des terres sont inextricablement liés.

Certaines des transactions foncières les plus scandaleuses auxquelles nous avons assisté au cours des dernières années se sont depuis retournées contre leurs protagonistes ou ont échoué pour d'autres raisons. En 2009, l'indignation publique à propos du projet de Daewoo sur 1,3 million d'hectares à Madagascar a aidé au renversement du gouvernement, ce qui a conduit à la suspension de la transaction. En 2011, l'assassinat du leader libyen Mouammar Kadhafi a mis fin au projet de riziculture du régime sur 100 000 hectares au Mali. D'autres transactions de grande ampleur ont été révisées à la baisse. Au Cameroun, par exemple, après de nombreuses protestations, le projet Herakles a été réduit de 73 000 à 19 843 hectares. Certaines transactions se sont transformées en des formes moins directes de prise de contrôle sur les terres. Au Brésil et en Argentine, par exemple, des entreprises chinoises confrontées à l'inquiétude soulevée par l'accaparement de terres par des étrangers ont tenté d'élaborer des accords permettant d'obtenir la production des exploitations agricoles plutôt que l'achat des terres elles-mêmes. De plus en plus, de telles transactions sont qualifiées d'« investissements responsables », mais elles constituent toujours, à de nombreux égards, des accaparements de terres.[5]

 

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