26.07.2016 - La journée australienne des secrets, des drapeaux et des lâches

Le 26 janvier, l’un des jours les plus tristes de l’histoire de l’humanité, sera célébré en Australie. Il s’agira d’une « journée pour les familles », nous racontent les journaux que possède Rupert Murdoch. Des drapeaux seront distribués à tous les coins de rues et imprimés sur de drôles de chapeaux. Les gens n’auront de cesse de répéter à quel point ils sont fiers.

Pour beaucoup, il y a du soulagement et de la gratitude. Au cours de ma vie, l’Australie non-indigène est passée d’une société anglo-irlandaise à l’une des sociétés les plus ethniquement diverses de la Terre. Ceux que l’on appelait autrefois les « nouveaux Australiens » choisissent souvent le 26 janvier, « Australia Day » (le jour de l’Australie), pour prêter serment en tant que citoyens. Les cérémonies sont parfois émouvantes. Observez ces visages du Moyen-Orient et comprenez pourquoi ils s’accrochent à leur nouveau drapeau.

C’était à l’aube d’un 26 janvier, il y a de nombreuses années, que je suis allé, avec des australiens indigènes et des non-indigènes, déposer des gerbes dans le port de Sydney. Nous nous étions rendus dans l’une de ces baies sablonneuses paradisiaques où d’autres s’étaient rassemblés comme autant de silhouettes, pour observer les bateaux de la « première flotte » britannique tandis qu’ils jetaient l’ancre, le 26 janvier 1788. Ce fut le moment précis où la seule île continent du monde fut volée à ses habitants ; selon l’euphémisme consacré, il s’agissait de « peuplement ». Ce fut, comme l’a écrit Henry Reynolds, l’un des rares historiens australiens honnêtes, l’un des plus importants vols de terre de l’histoire du monde. Il décrit le massacre qui s’ensuivit comme « un murmure dans nos cœurs ».

1896: des prisonniers aborigènes enchainés, photographiés devant Roebourne Gaol (prison en Australie Occidentale).

Les Australiens originels sont la présence humaine la plus ancienne. Pour les envahisseurs européens, ils n’existaient pas dans la mesure où leur continent avait été déclaré Terra Nullius :« territoire sans maître ». Afin de justifier cette fiction, un massacre de masse fut ordonné. En 1838, le Sydney Monitor rapporta : « il fut décidé d’entièrement exterminer la race noire de cet endroit ». Cela faisait référence au peuple Darug, qui vivait le long du grand fleuve Hawkesbury, pas loin de Sydney. Avec une remarquable ingénuité, et sans armes, ils menèrent une résistance épique, qui demeure encore quasiment un secret national. Dans un pays jonché de cénotaphes en hommage aux colons australiens morts principalement lors des guerres impériales, personne ne prend parti pour ces guerriers qui luttèrent et tombèrent en défendant l’Australie.

Cette vérité n’a pas sa place dans la conscience australienne. Parmi les nations coloniales comptant des populations indigènes, et à l’exception d’une « excuse » simpliste en 2008, seule l’Australie a refusé d’assumer son passé colonial honteux. Un célèbre film d’Hollywood, Soldier Blue (soldat bleu), en 1970, a inversé les stéréotypes raciaux, offrant aux États-uniens un aperçu de leur génocide au sein de leurs propres « colonies » mythiques. Près d’un demi-siècle plus tard, on peut dire qu’un film équivalent ne pourrait jamais être produit en Australie.

En 2014, alors que je cherchais un distributeur local pour mon propre film, Utopia, qui raconte l’histoire du génocide australien, un grand nom du business m’annonça : « Pas question que je distribue ça. Le public ne l’accepterait jamais ».

[Un extrait de l’excellent documentaire de John Pilger, dont il parle ici, « Utopia »:]

Il avait tort – jusqu’à un certain point. Lorsque Utopia est sorti à Sydney quelques jours avant le 26 janvier, sous les étoiles, sur une terre vacante, dans une zone indigène de la ville appelée The Block, plus de 4000 personnes se présentèrent, non-indigènes en majorité. Beaucoup avaient traversé le continent. Des leaders indigènes qui apparaissaient dans le film se tenaient devant l’écran et parlaient en « langue » : la leur. Rien de tel ne s’était jamais produit auparavant. Pourtant, la presse était absente. Pour la communauté générale, c’était comme si rien ne s’était produit. L’Australie est une murdochratie, dominée par l’ethos d’un homme ayant échangé sa nationalité contre le réseau de la Fox des États-Unis.

 

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