Qu’est-ce que Philippe Couillard entend faire de notre État ? Rééquilibrer les finances, simplement ? Non, son projet est beaucoup plus ambitieux et s’inscrit dans ce qu’il perçoit comme une tendance mondiale de « réinvention » de l’État, laquelle fut exposée dans ce qu’il considère comme l’essai récent le plus inspirant pour lui : The Fourth Révolution. Une source d’inspiration comptant de bons mais aussi d’inquiétants aspects.
Lors d’une réunion récente avec des hauts fonctionnaires et des patrons de société d’État, Philippe Couillard a été très clair, racontent plusieurs sources : s’il y a un livre qui l’inspire et même « que vous devriez tous lire », a-t-il lancé à son parterre, c’est The Fourth Revolution – The Global Race to Reinvent the State (Penguin Press, 305 pages), écrit par deux des patrons de la revue The Economist, John Micklethwait et Adrian Wooldridge.
La thèse du livre : la gouvernance est en crise, les États démocratiques sont aujourd’hui beaucoup trop gros, de plus en plus incapables d’accomplir leurs missions essentielles. Cette impuissance mine l’adhésion au système des populations surtaxées et rend attrayantes les solutions populistes. L’État libéral à l’occidentale n’inspire donc plus. Ailleurs, on se tourne, soutiennent-ils, vers d’autres conceptions du gouvernement, notamment celles de Singapour et de la Suède, avec sa social-démocratie durable parce que réformée. Une quatrième révolution est nécessaire, concluent les auteurs.
Selon Micklethwait et Wooldridge, la première révolution fut celle de l’État-nation, autour de la pensée du théoricien Thomas Hobbes (1588-1679), pour qui l’État était un Léviathan détenteur du monopole de la violence légitime, capable de garantir la sécurité du citoyen. La seconde serait celle de l’État libéral, conforme aux thèses de John Stuart Mill (1806-1873). La troisième ? L’État-providence rêvé par la Société des Fabiens, qui voulut donner la santé et l’éducation à tous. Mais au fil du temps, on compta trop sur l’État, qui devint obèse. Thatcher et Reagan, dans les années 1980, ont bien tenté de le faire maigrir, estiment Micklethwait et Wooldridge. Mais leur révolution ne fonctionna qu’à moitié. La quatrième révolution sera celle de l’État « maigre » (le « lean », cher au ministre de l’Éducation Yves Bolduc), qui accepte ses limites, ne promet plus tout et qui utilise la technologie pour rendre ses processus plus efficaces.
Lire la suite sur ledevoir.com