16.07.2016 - Séralini : « Les OGM nourrissent davantage les cochons des pays riches que les enfants des pays pauvres »

Poids des multinationales et des lobbys industriels, utilisations des pesticides, dangerosité du Roundup, OGM « sacralisés »… le professeur Gilles-Éric Séralini développe sa réflexion : comment offrir une alimentation saine aux habitants de la planète par une agriculture durable.

Gilles-Éric Séralini est biologiste moléculaire et professeur à l’université de Caen. Il appartient au comité de pilotage du tribunal international chargé de juger Monsanto, qui se réunira à La Haye en octobre 2016. Il est par ailleurs l’auteur du livre Plaisirs cuisinés, poisons cachés, coécrit avec le chef cuisinier Jérôme Douzelet (Actes Sud).


Reporterre — Que répondez-vous à ceux qui prétendent, qu’à l’avenir, seuls les OGM seront en mesure de nourrir l’humanité ?

Gilles-Éric Séralini — C’est infaisable ! Mais il est vrai que des gens comme Bill Gates se sont reconvertis dans la vente de semences brevetées aux pays pauvres en disant qu’ainsi on pouvait nourrir une partie de l’humanité. De là à nourrir toute l’humanité, c’est autre chose. En fait, 99 % des plantes OGM agricoles, hors coton, sont produites sur le continent américain grâce à des semences brevetées. C’est essentiellement le soja, le maïs et le colza qui ont été développés par huit firmes multinationales, dont Monsanto, qui détiennent les brevets. Le soja et le maïs servent à l’élevage industriel et le colza est principalement destiné à l’énergie et à l’huile. Donc, vous voyez qu’on ne peut pas nourrir le monde avec trois denrées. Par contre, pour le bétail industriel, les éleveurs peuvent avoir oublié l’idée même de l’herbe et le nourrir avec des tourteaux de soja OGM. L’essentiel consiste à faire des plantes qui contiennent des hauts niveaux de pesticides afin de simplifier les méthodes agricoles intensives.

Cela signifie-t-il une rationalisation des méthodes de culture ?

Oui, et tout cela pour nourrir le bétail, et non pas pour produire des plantes de proximité afin de nourrir, de manière variée, une communauté. D’ailleurs, alors que la famine augmente dans les pays pauvres, on surnourrit les animaux des pays riches (vaches, porcs, poulets). Les OGM sont donc destinés à l’agriculture industrielle fondée sur le pétrole.

Quel type d’agriculture pourrait le mieux nourrir l’humanité ?

Les rapports de la FAO [l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture] montrent que c’est avec une agriculture biologique de proximité et vivrière qu’on pourra le faire.

Donc, les hommes politiques qui affirment que les OGM peuvent nourrir l’humanité de demain sont des menteurs…

Ce sont des gens qui n’ont pas compris, qui sont pris par le système et qui répètent ce qu’on veut bien leur dire. Comme si, en épuisant les ressources, on pouvait concevoir une agriculture durable ! Non, ce n’est pas possible, car c’est une agriculture à fondement de pétrole essentiellement. Avec ces OGM, on nourrit davantage les porcs industriels que les enfants des pays pauvres.

Comment transformer ce système agricole ?

Il faut sortir de l’agriculture à pétrole, c’est-à-dire de l’agriculture extrêmement subventionnée. Ce n’est pas un système durable parce que c’est l’argent de nos impôts qui sert à maintenir le fait qu’une pomme gorgée de 50 pesticides soit moins chère qu’une pomme bio. Olivier De Schutter l’a bien démontré, c’est l’agriculture biologique, vivrière, communautaire qu’il faut promouvoir. L’accent doit être mis sur la polyculture, qui permet d’éviter le parasitisme et les pesticides. Dès que vous faites une grande monoculture, même biologique, elle est attaquée par des parasites.

 

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