02.07.2016 - Affaire Kerviel/Société Générale : des réunions discrètes pour enterrer un rapport fiscal à deux milliards

JUSTICE - Les avocats de la banque ont entretenu des liens étroits avec certains membres du parquet de Paris pendant l'enquête sur l'affaire Kerviel...

C’est un « document de travail » à 2,197 milliards d’euros. D’après une enquête conjointe de 20 Minutes, Mediapart et France Inter, un rapport égratignant la Société Générale aurait été enterré par le parquet de Paris lors de l’enquête sur l’affaire Kerviel, en mai 2008. Plus encore que le document, c’est surtout la principale question qu’il soulève qui n’a, à l’époque, fait l’objet d’aucun examen approfondi par la justice.

Une question à un peu plus de 2 milliards d’euros, donc. Soit le montant du coup de pouce fiscal dont a bénéficié la Société Générale, en 2008. Comme la loi sur le crédit d’impôt le lui permet, la banque a déduit de sa déclaration fiscale une partie des « pertes exceptionnelles » occasionnées, selon elle, par l’affaire Kerviel.

La défense de la Société Générale jugée « peu plausible »

Avait-elle raison de le faire ? Le rapport de 25 pages que nous nous sommes procuré – reconstitué après avoir été passé à la broyeuse – instille le doute à ce propos. Il est signé par Cédric Bourgeois. Assistant spécialisé au sein de la section financière du parquet de Paris, cet expert – diplômé de l’ESCP et formateur à l’Ecole de la magistrature – était alors chargé de suivre les développements de l’enquête afin d’en rendre compte à sa hiérarchie. Il s’exécute le 14 mai 2008 en rédigeant ce « document de travail ».

Sans exonérer Jérôme Kerviel de ses responsabilités, il juge, à plusieurs reprises, « peu plausible » la défense de la banque qui assure qu’elle ignorait tout des agissements de son ancien trader. Mais c’est surtout dans la dernière partie de son rapport – intitulée « Les questions soulevées par le comportement de la partie civile » – qu’il met le doigt sur le nœud fiscal à 2,197 milliards d’euros.

Selon l’expert, le parquet aurait dû saisir le fisc

« La Société Générale apparaît très intéressée à faire reconnaître l’existence d’une fraude complexe sous peine [de devoir rembourser son crédit d’impôt]. » Raison pour laquelle selon lui, « il apparaît nécessaire » que sa hiérarchie saisisse l’administration fiscale pour vérifier la légalité de toute cette opération. La préconisation a beau figurer en caractères gras dans le document, elle ne sera pas suivie d’effet.

Plutôt que de se rapprocher du fisc, Jean-Michel Aldebert, le chef de la section financière au parquet, va évoquer directement cette question avec les avocats de la Société Générale. Selon différentes sources, le rapport fait ainsi l’objet, fin mai 2008, de plusieurs réunions discrètes entre les avocats de la banque et le magistrat dans une salle de conférences située au septième étage du pôle financier du parquet de Paris. Est-ce là que les participants « évacuent » le risque pour la banque de devoir rembourser à l’État les 2,197 milliards d’euros ?

Impossible de l’affirmer. Seule certitude : ce n’est qu’en 2010, soit deux ans plus tard et après la condamnation de Jérôme Kerviel, que l’existence de cette déduction fiscale apparaît dans la presse et dans le débat public.

« Les magistrats étaient sous la coupe des avocats de la Société Générale »

Contacté, Jean-Michel Aldebert n’a pas souhaité répondre à nos questions « ne voyant pas l’intérêt de [s]’exprimer sur une affaire [ayant conduit à la condamnation pénale de Jérôme Kerviel] ».

 

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