26.06.2016 - Entretien avec le philosophe Alain Deneault : les paradis fiscaux

Les paradis fiscaux sont de retour dans l’actualité politique internationale avec le scandale des Panama Papers. Mais que sont les paradis fiscaux et quels sont leurs impacts sur le Québec et le Canada? Nous en avons parlé avec l’essayiste Alain Deneault ayant publié ”Une escroquerie légalisée : Précis sur les «paradis fiscaux»” aux éditions Écosociété en 2016.

 

Q : Vous avez un doctorat en philosophie. Dans quel courant philosophique vous inscrivez-vous et quelles sont les grandes figures qui ont influencé votre pensée ?

R : Mon travail en philosophie a porté sur la notion d’économie. Il m’a semblé que la question des paradis fiscaux requérait un travail de définition des concepts opératoires. Je m’inscris dans le courant de la pensée critique qui peut aller de Karl Marx à l’École de Frankfort en passant par Jacques Rancière.

Q : Êtes-vous en accord avec l’idée de l’économiste Thomas Piketty de mettre en place un impôt mondial pour lutter contre les paradis fiscaux ?

R : Dans l’ordre actuel des choses, dans le contexte de la mondialisation tel qu’elle a été organisée, je comprends qu’on en vienne à cette proposition-là et elle me semble oui sensée. Je ne pense pas qu’on aurait, dans une sorte de monde idéal, à imaginer l’organisation du fisc, qu’on ait cru bon de commencer par un fisc mondial, mais maintenant que les États ont signé des accords de libre-échange et laisser les paradis fiscaux se développer ainsi que les multinationales avec la notion de corporation. Maintenant que les États et les pouvoirs publics ont laissé libre-cours au capital, sans l’entrave ni contrôle ou supervision et ont permis aux multinationales ainsi qu’aux banques de mettre les États en concurrence les uns contre les autres. Nous en sommes au point où les États doivent, en quelque sorte , reprendre la main sur les transnationales par une instance qui les dominera, à tout de moins en ce qui concerne le fisc, pour percevoir la part d’impôt que les multinationales doivent.

Q : Vous expliquez que les paradis fiscaux sont des endroits n’ayant pas de lois du travail ou environnementales. Par contre, le Luxembourg a des lois du travail et des lois environnementales avec une fonction publique très développée puis ayant même banni Monsanto. Considérant cela, est-ce qu’on peut vraiment dire du Luxembourg que c’est un paradis fiscal ou c’est un État avec des règles d’imposition plus légères ?

R : Les législations de complaisance sont comme les boutiques d’un centre commercial dans le sens qu’elles ont une spécialité qui leur est propre. Ce qu’on peut trouver en Jamaïque ou au Libéria n’existera pas à l’ile Jersey ou au Luxembourg. Pour l’assemblage de produits manufacturés, on ira en Jamaïque et pour faire travailler des enfants à un dollar par jour ce sera l’Inde. Si on veut pratiquer le hors bilan ou créer une structure à l’abri de tout contrôle de l’État, en ce qui concerne la gestion de portefeuille, les holdings, on ira au Luxembourg. De cette façon, Amazone peut vendre des livres écrits part des Britanniques, édités dans des maisons britanniques, à des Britanniques en utilisant les routes financées par les Britanniques, mais en facturant le service rendu dans cet État depuis le Luxembourg. Ils échappent donc au fisc britannique.

Q : Si les pays occidentaux mettent les paradis fiscaux sous embargo, qu’est-ce qu’on fait avec leur population locale ?

R : Je vous réfère à ce qu’a écrit John Kristensen, qui est un résident de l’ile Jersey et qui a vu son île devenir un paradis fiscal.

 

Lire la suite sur Le Prince Arthur Herald

Ajouter un Commentaire

Veuillez noter que votre commentaire n'apparaîtra qu'après avoir été validé par un administrateur du site. Attention : Cet espace est réservé à la mise en perspective des articles et vidéos du site. Ne seront donc acceptés que les commentaires argumentés et constructifs rédigés dans un français correct. Aucune forme de haine ou de violence ne sera tolérée.


Code de sécurité
Rafraîchir