17.06.2016 - Des Chinois achètent en France des centaines d’hectares de terres agricoles

Dans l’Indre, une société chinoise a acquis cinq exploitations agricoles totalisant 1.700 hectares de terres. Profitant d’une faille juridique, elle a contourné les instances chargées du contrôle du foncier agricole et contribue au développement d’une agriculture sans paysan.

- Vendœuvres et Châtillon-sur-Indre (Indre), reportage

Un corps de ferme s’étend au milieu des champs de blé et de colza. À l’une de ses extrémités, deux silos à grains brillent au soleil. Mais les vaches ont quitté depuis longtemps l’étable, et la maison est abandonnée. Seuls le chant des oiseaux et le vrombissement de quelques voitures viennent perturber le silence environnant. Pourtant, les terres de La Tournancière — cette ferme située à Vendœuvres, dans le département de l’Indre (36) — sont toujours cultivées. Colza, blé, orge : une rotation classique pour les céréaliers du secteur. Mais ici, les propriétaires ne sont plus des agriculteurs : La Tournancière a été rachetée par la société Hongyang, un fonds de gestion chinois. En deux ans, ces investisseurs ont acquis cinq exploitations dans l’Indre, soit une surface totale de 1.700 hectares.

Ici, l’histoire fait grand bruit. D’autant que les cessions ont été réalisées dans une totale opacité. Et pour cause, les instances normalement chargées de contrôler la vente et l’exploitation agricole ont été tenues à l’écart. Les Safer d’abord : ces sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont censées protéger les terres agricoles. Informées des projets de vente par les notaires, elles disposent d’un outil juridique — le droit de préemption — pour acheter à la place de l’acquéreur initial. Le but : revendre à une personne dont le projet correspond mieux à l’intérêt général. Deuxième principe de régulation : le contrôle des structures, qui soumet l’exploitation des terres à une autorisation de l’État. Une personne qui s’installe ou s’agrandit doit effectuer cette démarche.

« Contourner les lois et les règles est un sport national ! »

Alors comment les investisseurs chinois ont-ils pu passer outre ? En exploitant une faille dans ce système. Toute entreprise agricole doit adopter un statut juridique : soit l’exploitation individuelle, soit la société agricole. Or la Safer n’a pas le droit de préempter des parts de société. « Il suffit donc d’organiser la cession en vendant des parts sociales », explique Dominique Granier, trésorier de la Fédération nationale des Safer. En clair, il suffit à l’agriculteur exploitant individuel de passer en société agricole. Ensuite, le fonds de gestion chinois rachète la quasi-totalité de ses parts. Mais le vendeur reste exploitant minoritaire et titulaire de quelques parts. Ainsi, nul besoin de passer par la Safer ni par le contrôle des structures. Cette pratique s’avère tout à fait légale.

Si certains semblent découvrir la brèche, la société Hongyang n’est pas la première à s’y engouffrer. « Contourner les lois et les règles, c’est un sport national ! Des agents apportent leur expertise juridique aux exploitants agricoles qui veulent devenir plus gros que leur voisin, qu’ils soient français ou étrangers », dénonce Régis Lemitre, président de la Safer du Centre. Certes, la loi d’avenir adoptée fin 2014 vient apporter de timides améliorations. Désormais, la Safer peut exercer son droit de préemption sur une société si 100 % des parts sont mises en vente. Mais, en cas de cession partielle, la Safer ne peut préempter. « Avec le ministère de l’Agriculture, nous cherchons aujourd’hui une solution pour que le foncier ne nous échappe plus », déclare Dominique Granier.

Deuxième source d’indignation : le prix. Les rumeurs vont bon train. Il serait trois à quatre fois supérieur à celui du marché. Mais la Safer du Centre dément : « Les investisseurs chinois ont acheté à un prix élevé, certes, mais nous l’évaluons à environ 20 % au-dessus du marché, pas plus », rectifie Régis Lemitre. Hervé Coupeau, président de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles) de l’Indre, estime le différentiel plus élevé.

 

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