04.06.2016 - Stupeur : de plus en plus de pesticides tueurs d’abeilles

Une enquête de l’UNAF révèle les chiffres aberrants des pesticides tueurs d’abeilles. Entre 2013 et 2014, leur utilisation a augmenté de 31%. Alors même qu’elle est interdite par la Commission de l’Union Européenne depuis le moratoire de 2013.

Des chiffres étonnants, en contradiction avec la loi européenne

Après une enquête de longue haleine, l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF) révèle que les tonnages des 5 principaux pesticides qu’on appelle « tueurs d’abeilles » ont augmenté de 31% entre 2013 et 2014. Les produits dans le viseur sont ainsi passés de 387 tonnes en 2013, à 508 tonnes en 2014.

Pourquoi est-ce si choquant ? Parce que cette augmentation est clairement contraire à la réglementation européenne en vigueur, depuis que la Commission a voté, en 2013, le moratoire sur l’usage des néonicotinoïdes, ces fameux pesticides « tueurs  d’abeilles », qui s’en prennent d’ailleurs aussi aux bourdons et aux papillons. Ce moratoire oblige, pendant deux ans, les états membres à interdire l’utilisation de ces néonicotinoïdes dans  les cultures attractives pour les abeilles. Cette suspension volontaire, mise en place après le rapport inquiétant de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA), a pour but de tester à grande échelle l’impact réel de ces produits réputés toxiques pour les pollinisateurs, mais aussi pour l’être humain – notamment sur le développement cérébral.

Conséquences malheureuses

Et c’est justement pour cela que cette augmentation significative est si grave, en plus d’être une attaque directe à notre écosystème. Dans un test au niveau européen, où les pays sont censés cesser d’utiliser ces produits toxiques, les résultats risquent d’être faussés. Que diront les lobbys de l’agriculture intensive si, en deux ans « l’arrêt » des pesticides à base de néonicotinoïdes, la mortalité des abeilles a encore augmenté ? Que ce n’est pas la faute de ces produits : le moratoire sera levé et ces pesticides toxiques de nouveau utilisés.

Contourner la loi : ou comment trouver la « petit bête »

Les apiculteurs français n’en reviennent pas : comment les gros industriels peuvent-ils ainsi s’opposer ouvertement à la loi européenne ? C’est qu’en réalité, ils ne la violent pas, ils la contournent : le moratoire comporte des conditions bien précises d’application. Premièrement, le recourt aux néonicotinoïdes n’est interdit que pour les semences enrobées, les micro-granules et la pulvérisation. Et uniquement sur les cultures qu’affectionnent les abeilles : colza, maïs, tournesol, coton, etc. De plus, s’ils sont effectués sous serre ou même en plein champ, mais après la floraison, ces traitements restent autorisés.

Ainsi, ces nombreuses conditions sont autant de portes ouvertes au contournement. C’est ce que dénonce Gilles Lanio, président de l’UNAF. Pour lui, « il y a des moyens pour contourner les interdictions de certains usages des néonicotinoïdes ».

L’État a-t-il quelque chose à cacher ? 

Ce qui reste inquiétant, dans l’enquête menée par l’UNAF, c’est la difficulté d’accéder aux informations. Tout au long de son parcours, elle s’est heurtée à des refus multiples sur la communication d’informations capitales : à tel point qu’elle a dû saisir la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), qui lui a donné raison.

L’association des apiculteurs a aussi voulu savoir si la France avait voté pour ou contre l’autorisation des deux nouveaux insecticides proches des néonicotinoïdes, autorisés par l’Europe en 2015 : en vain, l’information est classée « confidentielle ». Le Ministère de l’Agriculture a expliqué à la CADA que la divulgation de ces informations « porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France ». Quelque chose à se reprocher ?

Le président de l’UNAF tempête ainsi : « L’écart entre la réalité et le discours du Ministre de l’Agriculture [Stéphane Le Foll, ndlr], qui se pose en défenseur des abeilles, est choquant. On nous dit que les agriculteurs font de grands efforts et que les mortalités d’abeilles proviennent aussi de nos pratiques. Les chiffres montrent que c’est complètement faux. Quant à la transparence, elle n’est pas là, malgré les promesses. »

Et la lutte n’est pas finie : peut-être vous demandez vous pourquoi les chiffres portent sur 2013 à 2014 et non sur des données plus récentes ? C’est parce que les données de 2015 « ne sont pas disponibles ». L’association a saisi la CADA à ce sujet, qui lui a, une fois de plus, donné raison. « Mais celui-ci n’étant que consultatif, nous n’avons pas obtenu ces données » déclare l’UNAF.

Une lutte encore en cours du côté législatif

La tension entre protection de l’environnement et rendement agricole constitue encore un sujet de lutte, au sein de notre pouvoir législatif. Ainsi, si les députés de l’Assemblé Nationale avaient voté, le 17 mars, dans le cadre de la loi Biodiversité, l’interdiction totale des insecticides néonicotinoïdes dès 2018, les Sénateurs ont défait cette mesure en deuxième lecture du texte. Il n’est cependant pas trop tard : le texte doit de nouveau être examiné les 7 et 8 juin par l’Assemblée, car la commission mixte paritaire n’a pas réussi à aboutir à un accord entre les deux chambres. Espérons que les députés ne cèderont pas à la pression du Sénat, quand 76% des Français semblent être, eux aussi, favorables à l’interdiction de ces insecticides.

 

Source : La Relève et la Peste

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