Aux 95e assises annuelles de l’Union des municipalités du Québec, le premier ministre Couillard a promis de donner aux municipalités des moyens légaux pour « rééquilibrer » à leur avantage le rapport de force dans les négociations avec les syndicats.
Au départ, les maires de l’UMQ s’attendaient au dépôt du projet de loi promis par l’ancien ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, qui devait, leur avait-on promis, leur permettre de décréter les conditions de travail de leurs employés.
Cette promesse était la contrepartie de l’acceptation en 2015 par l’UMQ, avec un vote de ses membres à hauteur de 80%, d’une coupure de 1,2 milliard sur quatre ans des transferts de Québec vers les municipalités dans le cadre du Pacte fiscal 2016-2019.
Mais, de toute évidence, le gouvernement s’est rendu compte de l’impasse juridique à laquelle il faisait face en raison de trois récents arrêts de la Cour suprême du Canada. Dans l’un d’entre eux (Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan (2015 CSC 4)), la Cour suprême a statué que l’interdiction faite aux salariés du secteur public de cette province de faire la grève entravait substantiellement leur droit à un processus véritable de négociation collective, portant ainsi atteinte à leur liberté d’association reconnue par la Charte canadienne des droits et libertés.
Le maire Marc Demers de la Ville de Laval – qui fait partie des 20% des municipalités ayant voté contre le Pacte fiscal – en a bien saisi les enjeux lorsqu’il a déclaré : « On s'attaque à certains grands principes qui sont régis par la Charte canadienne et la Charte québécoise ».
Il s’est aussi opposé au Pacte fiscal pour des raisons pratiques. Il a déclaré aux journalistes : « Je privilégie les vertus de la négociation. Il y a un dicton qui dit que la pire des ententes vaut mieux que la meilleure des sentences. J'y crois, parce qu'en général, il y a de la bonne volonté de part et d'autre ».
Selon les dernières rumeurs, le gouvernement Couillard croit pouvoir contourner les obstacles juridiques en imposant l’arbitrage obligatoire avec mandat donné à l’arbitre de choisir la « meilleure offre » entre celles de la ville et du syndicat.
Pour les organisations syndicales, cela équivaut à l’imposition d’un décret par d’autres moyens. Le Syndicat des Cols bleus regroupés de la Ville de Montréal a déjà goûté à cette médecine. Il rappelle qu’en 2004, l’imposition de la « meilleure offre » s’est traduite par des reculs historiques de 18 % dans leur convention collective.
De toute évidence, le gouvernement Couillard cherche à répondre à une demande des maires Labeaume et Coderre, qui veulent avoir les mains libres pour démanteler les conventions collectives des employés municipaux, en s’attaquant tout particulièrement au plancher d’emplois garantis, ce qui ouvrirait toute grande la porte à la sous-traitance.
La meilleure des preuves est l’état des négociations entre la Ville de Montréal et le Syndicat qui représente ses 440 ingénieurs. Les négociations traînent depuis six ans, période au cours de laquelle les ingénieurs n’ont touché aucune augmentation salariale. La Ville exige des concessions au chapitre, entre autres, des congés de maternité, paternité et maladie, même si le salaire des ingénieurs, ajusté à l’inflation, a chuté de 20 % au cours des 25 dernières années.
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