21.05.2016 - Pourquoi l’Occident ferme les yeux sur la déstabilisation orchestrée par le Rwanda

« An elephant in the room » (un éléphant dans la pièce), dit-on en anglais : tout le monde sait qu’il y a un gros problème, mais fait comme si de rien n’était. L’expression caractérise parfaitement l’attitude des États-Unis et de l’Union européenne envers la déstabilisation menée par le Rwanda dans ses pays voisins, le Burundi et le Congo. Va-t-on vers une nouvelle guerre régionale avec le soutien tacite de l’Occident ? Explications.

Il est frappant de constater le silence total des capitales européennes sur les actuelles actions de l’armée rwandaise. Celle-ci est en effet à nouveau en train de lancer des mouvements rebelles au Burundi et au Congo, alors qu’au cours des deux dernières décennies, on a incontestablement constaté à quel point l’ingérence agressive du Rwanda chez ses voisins était dangereuse. Pourtant, des preuves écrasantes montrent que le Rwanda est bel et bien occupé à remettre le couvert. L’été dernier, plusieurs sources ont témoigné que l’armée rwandaise recrutait des Burundais à Mahama, un grand camp de réfugiés au Rwanda, afin de les entraîner sous la contrainte à la lutte armée contre le gouvernement du Burundi voisin.1 Et le rapport d’un groupe d’experts de l’ONU confirme que non seulement des militaires rwandais recrutent, arment et entraînent militairement des réfugiés burundais – dont des enfants –, mais qu’ils leur donnent aussi de faux passeports congolais et les envoient ensuite aux frontières congolaise et burundaise, vers le Sud-Kivu.2 Bref, tout le monde sait qu’il y a « un éléphant dans la pièce » et qu’il risque de tout écraser mais, en dehors de quelques déclarations pour la forme, il ne se passe rien.

Outre cela, nombre de membres du mouvement M23, qui faisait la guerre dans l’Est du Congo en 2012-2013, menacent aujourd’hui de retourner au Congo avec le soutien actif du Rwanda et le soutien tacite de l’Occident.3 Pour comprendre l’affaire, il nous faut remonter en 2012-2013. A l’époque, le M23 était le seul grand mouvement rebelle restant à déstabiliser tout l’Est du Congo à partir du Rwanda. Le 5 novembre 2013, il avait été définitivement vaincu par l’armée gouvernementale congolaise avec le soutien de la brigade africaine de la Monusco. Après cela, quelque 2 200 rebelles s’étaient réfugiés dans les pays voisins, l’Ouganda et le Rwanda. Le gouvernement congolais avait exigé l’application de l’accord d’Addis-Abeba, selon lequel les gouvernements rwandais et ougandais étaient obligés de livrer ces rebelles vaincus au Congo. Toutefois, sous les lourdes pressions des envoyés spéciaux de l’Union européenne et des États-Unis, le gouvernement congolais a dû accepter des négociations, très rapidement entamées à Kampala.4 Le 12 décembre, le gouvernement congolais a accepté l’accord, moyennant certaines conditions sur la démobilisation des rebelles. Ce fait a été invoqué plus tard pour justifier le fait que quelque 2 000 militaires du M23 séjournent toujours actuellement en Ouganda et au Rwanda en étant bien protégés : le gouvernement congolais n’aurait pas tenu ses promesses.

Les deux poids deux mesures des États-Unis et de l’UE

Dans les deux précédents articles sur le Burundi et le Congo, nous expliquions déjà que la campagne des gouvernements occidentaux contre « les présidents à vie » en Afrique est particulièrement démagogique et qu’elle sert en réalité les intérêts des multinationales et les agendas géostratégiques de l’Occident. Dans cette campagne, l’Occident ne vise aujourd’hui que le Burundi et le Congo, parce qu’il veut dans ces pays des régimes qui abandonnent toute tendance à l’indépendance et troquent leur collaboration avec la Chine et les économies émergentes pour une fidélité inconditionnelle aux États-Unis et à l’Union européenne. Au Rwanda, la situation est à l’opposé. Le président Kagamé collabore étroitement avec les États-Unis, et ceux-ci ne voient pas d’objection de fond à ce qu’il ait fait modifier la Constitution pour pouvoir rester aux commandes de l’État jusqu’en 2034.

 

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