02.05.2016 - Le Grand canal perse : de l’eau au moulin de la relation russo-iranienne ?

L’ambassadeur de la République iranienne à Moscou a révélé que le projet d’un Grand canal perse reliant la Mer Caspienne au Golfe Persique (ou au Golfe d’Oman) était sérieusement étudié à Téhéran. Le projet n’est pas neuf, mais il semble relancé par la levée des sanctions économiques contre l’Iran qui permettra de réaliser les investissements nécessaires à sa construction.

Par ailleurs, ce gigantesque canal de plus de 1500 km de long ne peut être réalisé sans le concours économique et industriel de la Russie, qui voit un intérêt stratégique de premier ordre à y contribuer. En effet, un tel canal permettrait à la Russie de créer une nouvelle route commerciale la reliant à l’Asie et ne passerait pas ni par le Canal de Suez ni surtout par les détroits du Bosphore et des Dardanelles nécessaires pour rejoindre la Mer Noire.

 

Un antique projet remis à l’ordre du jour

Ce projet remonterait à Alexandre le Grand, qui songeait déjà à construire deux canaux, l’un correspondant au Canal de Suez, le second correspondant à celui de Perse, via la Mer Noire et la Mer Caspienne. Mythe ou réalité, le projet fut lancé à la fin du 19e siècle alors que le Canal de Suez voyait le jour. Il prit le nom d’Iranrud (fleuve iranien) et ne quitta jamais vraiment les esprits des autorités iraniennes … et russes. Le projet connut une avancée majeure en Union soviétique dans les années 1970 : un groupe d’ingénieurs et d’hydrologues élabora un projet techniquement et économiquement viable, mais il fut suspendu par la Révolution islamique en 1979. Le projet ressurgit dans les années 1990 lorsqu’un panel d’experts iraniens est chargé de réaliser une étude de faisabilité. En 2005, ce rapport a été présenté au Parlement iranien. La conclusion était la même qu’au temps de l’URSS, le canal était parfaitement réalisable. Il manquait bien sûr les financements alors que l’Iran subissait de plein fouet les sanctions commerciales. En février 2015, le président de la commission des Affaires étrangères et de la sécurité nationale du parlement iranien Alaeddin Boroujerdi a déclaré que Khatam-al Anbiya – une société d’ingénierie appartenant au corps des Gardiens de la Révolution islamique – était chargé du projet d’Iranrud et que celui-ci serait achevé au cours des années 2020. Ce calendrier est sans doute optimiste et, si ce canal voit le jour, ce sera plus probablement à la toute fin des années 2020 ou au début des années 2030.

Quelles pistes pour une telle construction ? Deux tracés semblent émerger. Le premier, le plus intuitif si l’on regarde une carte de l’Iran sans trop d’attention, consiste à le faire passer par l’Ouest du pays, car c’est le chemin le plus court pour aller de la Mer Caspienne au Golfe persique (950 km). Mais c’est aussi la partie la plus montagneuse de l’Iran avec des sommets à presque 2000 mètres d’altitude dans la région du Kurdistan iranien. En réalité, les difficultés techniques seraient considérables et ce premier projet n’est pas le plus probable. Le second trajet passerait par l’Est de l’Iran : long de 1500-1600 kilomètres, cette route de l’Est est certes plus longue, mais les difficultés techniques seraient moins nombreuses. Le canal partirait de Mer Caspienne et atteindrait le Golfe d’Oman. L’autre raison majeure qui explique la préférence des autorités iraniennes pour ce second tracé concerne l’agriculture, car l’Est de l’Iran est soumis à de violentes sécheresses. Un « fleuve iranien » qui le parcourrait permettrait de favoriser l’irrigation de cette région.

Ce canal trans-iranien pourrait enfin venir compléter d’autres projets de canaux de la région, évoqués depuis longtemps par Moscou. Le premier projet concerne un canal russe qui relierait la Mer Noire à la Mer Caspienne dans le Caucase russe. Le second projet concerne un canal qui relierait la Mer Caspienne à la Mer d’Aral. Ce dernier tracé serait une chance ultime de sauver la Mer d’Aral, aujourd’hui en voie de disparition du fait des politiques agricoles écologiquement désastreuses mises en place pour l’exploitation du coton par l’Union soviétique à partir des années 1970. Il permettrait également de lancer la construction d’une route commerciale qui traverserait l’Asie centrale.

 

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