29.04.2016 - Une dette d'honneur

(Québec) CHRONIQUE / Le 5 décembre 2000, en entrevue avec Paul Arcand à CKAC, Yves Michaud raconte une anecdote, une conversation avec Léo Kolber, sénateur, juif.

«Je suis allé chez mon coiffeur, il y a à peu près un mois. Il y avait un sénateur libéral [...], il me demande : "Es-tu toujours séparatiste, Yves?" J'ai dit : "Oui, oui je suis séparatiste comme tu es juif. Ça a pris à ton peuple 2000 ans pour avoir sa patrie en Israël." Et j'ai ajouté : "Moi, que ça prenne 10 ans, 50 ans, 100 ans de plus, ça peut attendre." Alors, il me dit : "Ce n'est pas pareil." Ce n'est jamais pareil, pour eux. Alors, j'ai dit : "Ce n'est pas pareil? Les Arméniens n'ont pas souffert, les Palestiniens ne souffrent pas, les Rwandais ne souffrent pas." Je lui ai dit : "C'est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui a souffert dans l'histoire de l'humanité."»

Il s'est attiré les foudres d'une partie de l'opinion publique, entre autres le B'nai B'rith, une organisation juive.

Une semaine plus tard, le 13 décembre, aux États généraux sur la langue française, Yves Michaud prend la parole : «Le chanoine Groulx disait et nous invitait, et je le cite, "à posséder, comme les juifs, leur âpre volonté de survivance, leur invincible esprit de solidarité, leur impérissable armature morale".

Et l'historien, Groulx, donnait l'exemple du peuple juif comme modèle à suivre pour que les Québécois affirment leur propre identité nationale et assument - et assument pleinement - l'héritage de leur histoire, ajoutant que l'antisémitisme était "une attitude antichrétienne et que les chrétiens sont, en un sens, spirituellement des Sémites"».

On est aux antipodes de l'appel à la haine.

Le lendemain, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion de blâme à son endroit : «Que l'Assemblée nationale dénonce sans nuance, de façon claire et unanime, les propos inacceptables à l'égard des communautés ethniques et, en particulier, à l'égard de la communauté juive tenus par Yves Michaud à l'occasion des audiences des États généraux sur le français à Montréal, le 13 décembre 2000.»

Yves Michaud n'a jamais eu l'occasion de s'expliquer ni de faire appel. La motion a été proposée pendant la session intensive conjointement par le libéral Lawrence Bergman et le péquiste André Boulerice, adoptée sans plus de cérémonie. 

Sans débat.

Du jamais-vu à l'endroit d'un citoyen. Et pas n'importe lequel. Michaud a été député libéral en 1966, a été Haut-commissaire à la Coopération au ministère des Affaires intergouvernementales du Québec en 1970, délégué général du Québec en France de 1979 à 1984.

Quelques jours avant d'être blâmé, il avait fait part de son intention de briguer l'investiture du PQ dans Mercier.

 

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