20.04.2016 - Les chrétiens d’Inde priés de faire silence

Accusés de forcer des hindous à se convertir, les communautés chrétiennes sont brimées par les pouvoirs publics, qui voient en elles une menace envers l’union nationale et une source d’influence étrangère.

Les camions fusent sur la route nationale qui relie Indore à Bombay, traversant cette vaste plaine semi-déserte du centre de l’Inde. Des chameaux suivent d’un pas nonchalant les bords de la voie goudronnée, conduits par de frêles bergers enturbannés. Ouvert sur ce paysage désolé, un restaurant sans nom accueille quatre hommes silencieux aux regards inquiets. C’est la première fois qu’ils sortent volontairement de leur village de Dahar depuis le 14 janvier. Ce jour-là, ils sont réunis avec huit autres personnes pour «prier Jésus» quand une centaine de militants hindouistes font irruption, accompagnés de policiers. «Ils nous ont insultés, ont essayé de nous frapper et même tenté de mettre le feu à la moto qui était garée à l’extérieur», se souvient Padam Bhargawa.

Ces assaillants accusent les villageois, parmi lesquels un couple d’aveugles, de réaliser des conversions illégales au christianisme. Les agents arrêtent les douze adultes pour avoir semé la «discorde entre groupes religieux», et surtout pour «avoir mené des conversions en proposant des pots-de-vin ou par la force», un crime puni de dix ans de prison par la loi de l’État du Madhya Pradesh sur la liberté de religion. Selon ce texte, adopté en 1968 et renforcé en 2013, toute personne voulant changer de religion doit d’abord, sous peine d’amende, demander l’autorisation aux autorités, qui mènent une enquête sur ses motivations.

Cet État, dirigé depuis 2003 par les nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), a connu le plus grand nombre de cas de violences contre les chrétiens en 2015, selon le Catholic Secular Forum (CSF) : 29 incidents contre 23 en 2015. Dans le pays, huit personnes seraient mortes l’année dernière et 350 auraient été attaquées pour cette foi, selon l’association chrétienne américaine Open Doors, qui vient de placer l’Inde au 17e rang des Etats les plus dangereux pour les chrétiens, derrière, notamment, l’Arabie Saoudite et l’Ouzbékistan. Une montée de quatre places qui serait due à la conquête par le BJP, en mai 2014 et pour la première fois depuis l’indépendance, de la majorité absolue à la Chambre basse. «Il y a eu une augmentation constante des agressions contre les chrétiens, confirme Joseph Dias, secrétaire général du CSF. Il semble que les militants hindouistes ont obtenu une licence pour viser librement les minorités.»


Église évangélique de Philadelphie

Les quatre croyants de Dahar ressentent cette oppression. Après leur arrestation, ils ont été envoyés en prison pendant six jours, puis relâchés sous caution. Le conseil de village leur a ensuite interdit de sortir de la localité et leur a infligé une amende de 5 000 roupies (65 euros), soit environ un mois de salaire, pour avoir «troublé l’harmonie de la commune». Ils se sont donc échappés à l’aube jusqu’à ce petit dhaba de bord de route, à 70 km de chez eux, pour raconter leur histoire. Celle de villageois tribaux pauvres et marginalisés qui ont trouvé une lueur d’espoir dans la petite communauté de l’Église évangélique de Philadelphie. «J’étais alcoolique, je battais ma femme et perdais tout mon argent au jeu, se souvient Sankar Chouhan, 40 ans. Il y a quelques années, une sœur m’a recueilli, j’ai commencé à prier avec eux et j’ai ressenti de la paix en moi. Maintenant, je traite mieux ma femme et peux économiser de l’argent.»


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