Par Martine Ouellet
Coup de théâtre à Québec, le ministre de la Santé Gaétan Barrette a trouvé l’endroit où il allait subtiliser le personnel en santé qu'il avait promis à ses amis médecins des Groupes de médecine familiale (GMF) ! Dans les CLSC !
Ceci étant dit, il n'y a rien de surprenant dans cette nouvelle attaque de Gaétan Barrette à l’encontre des services publics. Se comportant comme un « médecin homme d'affaires » en santé, il n'a pas intérêt à avantager les CLSC, des organisations sans but lucratif, contrairement à la majorité des GMF qui sont des entreprises privées à profit. Sans oublier que les médecins ne contrôlent pas les CLSC.
Voici les propos de M. Barrette, tels que rapportés par Le Devoir, lorsqu'on lui a demandé s'il n'aurait pas pu forcer les médecins à travailler dans les CLSC, plutôt que de déplacer des équipes de professionnels pour leur prêter main forte dans des cliniques privées gérées par des médecins : « Pour ce faire, il aurait fallu que j’augmente de façon spectaculaire le nombre de CLSC ». Or, j'ai une petite nouvelle pour lui, il y a plus de CLSC au Québec que de GMF, environ 275 versus 250 en 2015.
Depuis leur création, les CLSC ont été désavantagés. Les cabinets privés ont attiré les médecins grâce au paiement à l'acte, beaucoup plus lucratif que les salaires versés dans les CLSC. De plus, comme le rapportait l'ancien député de ma circonscription, Camil Bouchard, les valses-hésitations politiques sur leur mission et le sous-financement chronique n'ont pas aidé au développement du réseau.
Les CLSC, dont la vocation était de devenir des centres de santé interdisciplinaires, comme le veut maintenant le ministre Barrette pour ses GMF, n'ont jamais bénéficié de l’affection nécessaire pour atteindre leur plein potentiel.
Depuis plus d'un an, le Parti libéral est incapable de remplacer, suite à son décès, le seul médecin du CLSC de Mansonville. Au début de l'année 2015, 425 citoyens de l'Estrie ont déposé une plainte au CIUSSS et, depuis, la situation a empiré. Le poste de physiothérapeute a été coupé ; les travailleuses sociales et l’infirmière, en congé de maladie, n’ont pas été remplacées. Voilà le véritable échec du docteur Barrette, trop enlisé dans sa «restructurite aiguë» au profit des médecins pour s'occuper de la population.
Sommes-nous en présence d'une «médecinocratie»? La célèbre phrase d'Abraham Lincoln a maintenant une version québécoise : un gouvernement de médecins, par les médecins, pour les médecins. Ce n'est pas normal que notre système de santé soit géré pour le bénéfice des 22 550 médecins, et non pour le bien commun des 8 250 000 Québécois.
L'idée n'est pas de dénigrer les médecins, qui travaillent fort pour notre santé. Cependant, en cette époque austère où l'État coupe dans l'aide aux devoirs et dans les collations de nos petits, nous n'avons pas entendu beaucoup de médecins remettre publiquement en question les 800 millions $ payés en trop et l'augmentation fastueuse négociée par Gaétan Barette (42 % pour les spécialistes et 34 % pour les omnipraticiens).
Cerise sur le sundae, une clause remorque rattachée à la dernière négociation des employés de l'État va minimalement leur rapporter 368 millions $ de plus au cours des prochaines années. Les médecins du Québec sont parmi les mieux payés au monde.
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