17.03.2016 - En Libye, une nouvelle guerre qui ne dit pas son nom

AQMI élargit la zone d’insécurité en Afrique de l’Ouest : il ajoute à son tableau de chasse un pays du Sud, qui n’avait jamais subi ce genre d’attaques auparavant, et qui est réputé proche de la France (1). Une fois encore, il frappe dans un cœur symbolique de l’ex-pré carré africain de la France, avec les objectifs habituels : se venger de l’Occident ; faire fuir les expatriés ; entraver le tourisme « impie » et l’ensemble de l’économie ; profiter de cette déshérence, si possible, pour recruter ; revendiquer l’application de la charia, etc.

 L’organisation djihadiste préfère désormais s’attaquer aux objectifs civils, en s’en prenant aux centres-villes, et en ciblant notamment les étrangers, comme elle l’a montré précédemment dans les attentats de Bamako et Ouagadougou. Elle semble surtout avoir adopté depuis quelques mois une stratégie délibérée d’évitement de l’armée française : cette dernière quadrille la région sahélienne au titre de l’opération Barkhane, et tente — discrètement — de désorganiser le commandement d’AQMI en « éliminant » certains de ses chefs.

Bande côtière

Mais c’est l’emprise croissante de son challenger — l’organisation de l’État islamique (OEI) ou Daesh — qui a préoccupé la « communauté internationale » ces dernières semaines : en Syrie et en Irak, bien sûr, mais également en Libye, où l’OEI a pris le contrôle d’une bande côtière de 250 kilomètres dans la région de Syrte, fief de l’ex-président Mouammar Kadhafi. La succursale de l’OEI disposerait de 6 000 à 7 000 combattants, dont 1 500 Tunisiens, selon l’ONU.

L’OEI profite du vide libyen pour semer le chaos : elle s’étend à l’est, dans le « croissant pétrolier », à l’ouest, où elle a lancé l’assaut sur Zliten (2), et sur Ben Guerdane, à la frontière tunisienne, où elle a tenté récemment une percée spectaculaire. A quelques encablures des grands champs pétrolifères de l’est libyen, et à 400 kilomètres des frontières de l’Europe, cette emprise d’un nouveau califat décidé à porter la guerre jusqu’en Tunisie et en Egypte, voire à être une base de départ pour des opérations dans les pays européens, a donné des arguments aux « éradicateurs », partisans d’une action militaire, quelles qu’aient pu être les conséquences (désastreuses) de la précédente intervention en 2011.

En tout état de cause, une opération internationale dans le contexte actuel ne pourrait se comprendre que :
• si elle est lancée à la demande d’un exécutif unique (alors que trois « gouvernements » se disputent le leadership libyen) ;
• si l’intervention au sol, appuyée depuis les airs et la mer par une coalition étrangère, est menée par des troupes locales (alors que les milices issues de la révolution de 2011 sont dans l’incapacité de se fédérer, et que « l’armée » du général Khalifa Haftar, un ancien cacique du régime de Kadhafi, rencontre l’hostilité du parlement de Tripoli et de plusieurs mouvements politiques) ;
• et si le Conseil de sécurité de l’ONU lui accorde un mandat (alors que l’Union africaine reste par principe opposée à une action militaire extérieure, comme elle l’avait été en 2011) (3).

Les plus mal placés

La menace de sanctions américaines, européennes ou internationales, contre certains dirigeants libyens, notamment les présidents des deux parlements concurrents de Tripoli et Tobruk, n’a pas suffi à débloquer un processus de transition politique qui piétine depuis deux ans. Parmi quelques autres, le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian, continue ainsi à secouer dans le vide le palmier libyen : en septembre 2014, il attirait déjà l’attention sur la naissance en Libye d’un « hub terroriste ». A cette époque déjà, on reconnaissait dans son entourage que la France était « évidemment la plus mal placée pour déclencher ou conduire un engagement » dans ce pays. Plus récemment, un « haut responsable de la défense française » indiquait au Monde que « la dernière chose à faire serait d’intervenir en Libye. Il faut éviter tout engagement ouvert, il faut agir discrètement ».

De fait, depuis quelques semaines, une nouvelle guerre de Libye semble avoir sourdement commencé. Côté français — mais c’est le cas aussi pour les Britanniques et les Américains, voire les Égyptiens et les Qataris —, il s’agit de la présence de « forces spéciales » déployées en petit nombre et agissant en toute discrétion (4). Une présence d’ailleurs confirmée par un porte-parole de l’armée du général Haftar, pour qui il s’agit de conseillers ne participant pas aux combats. « C’est leur absence en ces lieux qui serait inattendue », a estimé de son côté Jean Guisnel sur son blog Défense ouverte. Selon plusieurs confrères spécialisés, la présence d’éléments du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) est également plus que probable.

 

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