10.03.2016 - Le féminisme est-il une religion ?

Note du Bonnet : « La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » (Françoise Giroud). Avec des perles telles que Mélanie Joly, l'objectif est largement atteint, peut-on enfin nous crisser patience ?

D’une journée à l’autre, on se dit que la petite inquisition pour savoir qui est féministe et qui ne l’est pas va s’éteindre. Va-t-on vraiment passer un test idéologique à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, évoluent dans l’espace public pour fouiller le fond de leur âme? Il y a quelque chose de maccarthyste dans ce délire.

Mais le passage à Tout le monde en parle de Geneviève St-Germain et Sophie Durocher a relancé la controverse, et pas seulement à cause de la condescendance malsaine et détestable de la première à l’endroit de la seconde. Nous avons surtout assisté, sur ce plateau, à un beau petit moment de la vie consensuelle québécoise dans ce qu’elle a de plus toxique.

Unanimisme

Après un débat aussi vigoureux, on aurait pu s’attendre à une conclusion simple: manifestement, tout le monde ne communie pas à la révélation féministe.

Certaines personnes s’en réclament, d’autres s’en tiennent éloignées, comme c’est le cas pour chaque idéologie en démocratie. Mais apparemment, le féminisme est au-delà de la discussion rationnelle.

Mais le Québec est ce qu’il est: à la fin d’une émission, tout le monde doit s’entendre et s’embrasser. Notre fâcheuse manie du consensus nous pousse à dire youpi ensemble, comme si la querelle devait se dissoudre dans un grand éclat de rire. Débattre? Assumer un désaccord franc sans pour autant se détester? C’est manifestement difficile.

Il y a de l’intolérance dans l’air. Celui qui s’éloigne du féminisme manque apparemment de culture générale en plus d’être étranger au sens de l’histoire. Le féminisme n’est plus une doctrine légitime: c’est une exigence morale permettant de trier entre les humains honorables et ceux qui ne le sont pas. Comme si elle avait le monopole de l’émancipation féminine.

On s’en souvient, à la fin de ce débat, Dany Turcotte, qui généralement ne manque ni d’esprit ni de subtilité, s’est permis une boutade un peu grossière. «Depuis la préhistoire que l’homme est aux commandes et c’est une catastrophe. Au diable la parité mesdames, cessez de vous chicaner mesdames et prenez le contrôle.»

1956

Évidemment, c’était seulement une blague. Mais elle correspond à un préjugé partagé dans le Québec contemporain: on peut dire tout le mal qu’on veut des hommes, les inviter à se taire et à faire ce qu’on leur dit, personne n’y trouvera rien à redire. De quelle autre catégorie de la population peut-on parler ainsi? Si la misogynie existe, la misandrie existe aussi.

Je me suis amusé, au terme de cette semaine inquisitoriale, à imaginer un petit scénario dans le Québec de 1956, où un ministre aurait déclaré à la surprise de tous qu’il ne se disait pas catholique. Ouf! Il y aurait eu du tumulte, il y aurait eu une tempête. On l’aurait excommunié politiquement! Tous les curés de la province l’auraient accusé d’un crime idéologique sans nom.

Puis, je me suis demandé quelle idéologie, soixante ans plus tard, pouvait susciter les mêmes réactions. Vous devinez laquelle. Aurions-nous remplacé une religion par une autre?

 

Source : Le Journal de Montréal

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