03.03.2016 - Pierre Perrault et la reconquête du territoire de l’âme

Existe-t-il encore de ces personnes capables d’embrasser du regard toute une société ? Des artistes pour qui la création est à la fois au service du peuple et son prolongement ? Où liriez-vous une telle phrase, signée Pierre Perrault : « Aucun de ces hommes [de l’Ile-aux-Coudres] n’était moi-même, mais ils étaient de ma culture » ?

Ce regard apparaît étranger à notre regard exsangue et individualisé. Même les plus nationalistes aujourd’hui pourraient généralement créer sans que l’identité québécoise soit au cœur de leur réflexion.

Non pas que les Perrault, Lalonde, Miron et Falardeau aient toujours eu raison. Mais en ce début de 21e siècle, on chercherait en vain un(e) intellectuel(le) analyser le Québec en terme d’acculturation, de dépossession, d’aliénation et d’humiliation. Il faudrait raffiner encore davantage le regard pour trouver un amoureux du pays, de sa géographie, de sa population, de ses mythes.

Et lorsque ça semble le cas, à la manière d’un Fred Pellerin, ce pays ne s’incarne pas dans un projet politique de libération nationale. Il devient source de réconfort, voire de célébration du bon vieux temps, un monde loin des méandres de l’Histoire.

Un homme debout pourrait servir d’introduction à l’œuvre de Perrault, qui est l’une de celles qui a le plus profondément sondé l’identité québécoise.

Fruit d’entretiens entre Pierre Perrault et Simone Suchet s’étant déroulé de l’hiver 1980 à l’été 1994, le texte est malheureusement parsemé de répétitions, et le manque de contextualisation et de datation agace parfois. Rien toutefois qui n’enlève l’intérêt pour la matière brute.

Dans son œuvre, Perrault part à la rencontre de lui-même à travers son peuple et il n’est pas exagéré de dire que l’artiste pose une seule question – qu’est-ce qu’un peuple, qu’est-ce que mon peuple ? – en prenant comme point de départ un constat : « Nous tous, y compris les urbains, avons encore de la glaise entre nos orteils, et c’est là que se trouve la substance de notre être ».

Perrault oppose la culture savante classique à la culture paysanne, distinction de plus en plus refusée par les spécialistes des sciences humaines, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait aucune valeur. Il se dit lui-même entre deux chaises en raison de sa culture classique livresque qui ne lui disait rien du Québec, lui qui n’a « jamais réussi à s’élever au-dessus de la condition paysanne ».

Alors que la culture française serait une culture savante universaliste, Perrault associe la culture québécoise à la culture paysanne puisque « nous ne sommes pas au même stade de la civilisation ». Voilà qui a de quoi faire sursauter !

 

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Commentaires   

 
0 #1 Mathieu Plourde Turcotte 03-03-2016 11:01
Un peu poète sur les bords, mais je crois qu'il était vrai, contrairement à nos faux poètes d'aujourd'hui.

Ça donne le goût d'écouter ses films.
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