02.03.2016 - Le gouvernement français s'apprête à supprimer de facto le principe pollueur-payeur

Le poids des lobbies aurait conduit le gouvernement à déposer un amendement explosif sur le projet de loi biodiversité. Il permettrait aux industriels de ne rien payer en cas de préjudice écologique qu'ils auraient causé.

Le diable se cache souvent dans les détails. Et c’est un détail de taille, un détail énorme, qui se niche dans un amendement que le gouvernement vient de déposer sur le projet de loi biodiversité, examiné en deuxième lecture et en commission à l’Assemblée nationale à partir de ce mardi soir, 18 heures. Un amendement qui serait à même de donner un «permis de polluer» aux industriels… aux frais du contribuable.

En clair, si un tel texte avait existé avant le procès intenté à Total suite à la marée noire de l’Erika en 1999, le groupe pétrolier aurait pu s’en prévaloir pour ne pas avoir à régler un centime au titre du préjudice écologique. Et donc, in fine, cela aurait été aux citoyens de régler la facture. Cela sera-t-il le cas désormais pour les prochaines marées noires, pollutions aux boues rouges, aux nitrates et autres joyeusetés? C’est en tout cas se qui se profile si cet amendement du gouvernement est adopté en l’état.

 

Régression inédite du droit de l'environnement

Officiellement, celui-ci propose d’inscrire cette notion de préjudice écologique dans le code civil, notion validée en 2012 par une jurisprudence de la Cour de cassation dans le cadre du procès de l’Erika. Mais «en réalité, il s’agirait d’en rendre impossible la réparation en multipliant les conditions. Le code civil va gagner un maigre symbole, le code de l’environnement va perdre beaucoup. C’est même la porte ouverte à l’une des plus importantes régressions du droit de l’environnement», résume l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement.

Le gouvernement propose de rédiger ainsi un futur article 1386-19 du code civil :  « Art. 1386-19. - Indépendamment des préjudices réparés suivant les modalités du droit commun, est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique résultant d’une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.

« N’est pas réparable, sur le fondement du présent titre, le préjudice résultant d’une atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application.»

L’énorme «détail», le voici, dans le deuxième alinéa ce dernier paragraphe et dans cette mention «n’est pas réparable».  «Il s’agit du "permis de polluer" qui avait déjà été défendu lors de l’élaboration de la loi sur la responsabilité environnementale, en 2008», sous un gouvernement de droite, rappelle Arnaud Gossement.

 

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