27.02.2016 - L’énigmatique frappe de Sabrata

Le vendredi 19 février, Bernard Lugan, l’un des grands spécialistes de l’Afrique et de la Libye confiait aux journalistes qu’il était bizarre que les Etats-Unis aient frappé à Sabrata, une ville contrôlée par Fajr Libya et non par Daesh. A y regarder de très près, Mark Toner, vice-porte-parole du département d’État, déclarait le jour même que « les Etats-Unis frapperaient de nouveau là où Daesh et les groupes assimilés mettraient les pieds ».

Alors que tous les médias parlaient de la frappe contre Daesh, les Américains parlaient un autre langage : Frapper Daesh mais aussi  les groupes « assimilés ». Est-ce une légèreté rhétorique ou une approximation langagière ? Difficile d’y croire, en diplomatie qui va s’étalant en guerre. Ce serait plutôt une révision de la politique américaine dans la guerre contre le terrorisme.

Si l’on remonte un peu le temps l’on se rendra compte que la Maison blanche précise le 28 janvier 2016 que  « face au danger représenté par l’Etat islamique, le président Obama a donné son feu vert au plan militaire américain d’intervention en Libye ». Retour donc à la case départ, la guerre avouée contre Daesh, avec un autre glissement de sens que l’on retrouve dans les déclarations du porte-parole du Pentagone, Peter Cook, s’exprimant sur Sabrata : «Nous avons frappé en Libye avec l’autorisation existante pour utiliser la force militaire ». Il n’est pas sorcier d’en déduire une  référence à l’autorisation de l’utilisation de la force militaire contre les terroristes adoptée et signée par le président George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2011.

Les propos de Peter Cook relèvent donc de la même logique ayant conduit à la guerre en Afghanistan puis en Irak sans couverture internationale. Devant l’insistance d’une journaliste sur la légalité de la frappe, Toner, du département d’État,  lui conseille d’aller poser la question au Pentagone, lequel département dit avoir agi de concert avec le nouveau gouvernement d’Union nationale, constitué le 19 janvier.  Or ce nouveau gouvernement est rejeté aussi bien par les autorités de Tobrouk, reconnues par la communauté internationale, que par le parlement de Salut national sous influence des islamistes de Belhadj et des Frères musulmans de Misrata. Et voici que le puzzle devient inextricable.

Inextricable d’abord car il est clair que la décision des États-Unis de frapper une ville que Daesh ne contrôle pas renvoie forcément à dire qu’il existe une porosité inquiétante entre toutes les milices salafistes indépendamment de leurs obédiences originelles. En clair il y aurait une convergence, selon le discours américain, entre les milices de Belhadj, celles de Daesh et celles d’Ansar Chariaâ. N’a-t-on pas parlé de Abou Iyadh au nombre des tués à Sabrata  supposés appartenir à Daesh ?

 

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