15.02.2016 - Turquie : de la politique de «zéro problème» à la politique de «zéro ami»

La Turquie a été mardi 12 janvier 2016 la cible d’une attaque terroriste à Istanbul suscitant un élan de sympathie et de solidarité sans pareil des états occidentaux.

La France qui s’était bornée deux semaines plus tôt à déplorer la décapitation en Arabie saoudite de 47 personnes, dont le chef spirituel de la communauté chiite du Royaume, Cheikh Nimr al Baqer Al Nimr, a qualifié d’«odieux» l’attentat d’Istanbul, qui avait fait, lui, -comparaison n’est pas raison-, 10 morts en majorité des Allemands et une quinzaine de blessés.

Des journalistes compatissants ont même été jusqu’à déplorer la solitude de la Turquie face à à son environnement hostile, constitué, selon eux, d’une cohorte d’«États voyous», une brochette d’états sans foi, ni loi: la Russie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. C’est oublier un peu vite le statut privilégié de la Turquie, membre de l’Otan, unique pays musulman membre de l’alliance atlantique et sa sentinelle avancée sur le flanc sud de la Russie; occulter son partenariat stratégique avec Israël, unique pays musulman disposant d’ailleurs d’un tel statut à tout le moins publiquement, de même que son rôle de base-arrière du djihadisme planétaire dans la guerre de Syrie, enfin l’impunité dont elle jouit du fait du génocide arménien ou encore sa féroce répression des Kurdes de Turquie.

C’est oublier enfin la sympathie dont bénéficie l’État Islamique auprès de la population turque, tout comme d’ailleurs en Arabie saoudite, l’autre grand allié musulman des pays occidentaux.

10 % des Turcs ne considèrent pas l’État islamique (EI) comme une organisation terroriste et plus de 5% approuvent son action, selon une étude publiée mardi 12 janvier 2016 par un think-tank basé à Ankara, et relayée par Reuters. Cette enquête menée au mois de novembre a été réalisée auprès de 1500 personnes à travers tout le pays Par ailleurs, 21% des sondés ont répondu que l’EI représentait l’islam et 8,9% croient qu’il s’agit d’un pays. La Turquie compte 78 millions d’habitants.

Cette explosion intervient alors que le pays est en état d’alerte maximum depuis l’attaque la plus meurtrière survenue sur son sol, attribuée à Da’ech, qui a fait 103 morts et 500 blessés en Octobre 2015 devant la gare centrale d’Ankara. Ce double attentat a constitué un coup dur pour le tourisme en Turquie, qui engrange annuellement près de 36 milliards de dollars de revenus touristiques, mais qui est néanmoins déjà affecté par le boycott touristique de la Russie consécutif à l’incident aérien russo-turc du 24 novembre 2015.

Sur la défensive depuis l’intensification des raids de l’Otan contre ses positions et ses revers successifs en Irak, Abou Bakr Al Baghdadi (aka le calife Ibrahim), chef de Da’ech, s’est résolu à menacer directement l’Arabie saoudite, et pour la première fois, directement Israël, dans un surenchérissement des enjeux; De transformer, sur le terrain, ses fiefs à la frontière syro irakienne en camp retranché pour faire du périmètre Iblib-Raqqa le «Tora Bora» du Moyen-Orient, sur le modèle afghan..

L’assaut contre Deir Ez Zor, le 17 Janvier 2015, avec la capture de près de 300 civils de même que l’attentat de Djakarta relève de cette politique de surenchère.

L’attentat d’Istanbul, revendiqué par Da’ech, constitue-t-il une manifestation de sa nervosité face aux restrictions imposées par Ankara aux agissements des djihadistes. Ou un coup de semonce pour dissuader le gouvernement néo-islamiste d’Ankara contre tout éventuel revirement de sa politique de soutien à la nébuleuse islamiste?

 

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