06.02.2016 - Les Cajuns de la Louisiane renouent avec le français

Au cœur du pays cajun, les plus vieux se souviennent des punitions corporelles que leurs professeurs leur infligeaient afin qu’ils cessent de parler en français.

Un jour, Rita Dautreuil-Marks a eu le malheur de ne pas obéir. La punition n’a pas tardé. Vlan ! Un coup de règle sur le bout des doigts ! Elle raconte aussi que des enfants étaient parfois enfermés dans une salle sans éclairage et privés de dîner.

Merlin Fontenot, un Cajun âgé de 92 ans, dit que si on enfreignait la règle une première fois, la punition était d’aller copier 100 fois la phrase « I WILL NOT SPEAK FRENCH » (Je ne parlerai plus en français) au tableau. La récidive entraînait un coup de règle sur les jointures.

Les professeurs ne faisaient qu’appliquer la loi. La langue de Molière a été interdite dans les écoles de la Louisiane pendant un demi-siècle en vertu de la Constitution de l’État adoptée en 1921. Les autorités espéraient ainsi mieux intégrer les communautés les plus pauvres à la société américaine en les éveillant à la modernité. Certains instituteurs étaient plutôt vicieux, se rappelle George Arnaud.

« Ils nous faisaient mettre à genoux s’ils nous surprenaient, raconte l’homme de 66 ans. Des fois [on devait se mettre à genoux] sur du riz ou du maïs pour que cela nous fasse encore plus mal. »

Les mauvais traitements ont atteint leur objectif. M. Arnaud, qui ne parlait que le français avant ses études, avait presque tout oublié de ses rudiments à l’âge adulte. Ce capitaine de bateau a recommencé à employer la langue en discutant avec des collègues. « [Aujourd’hui], j’aime mieux parler en français », lance-t-il.

Mme Dautreuil-Marks a dû essuyer un échec scolaire. Pour éviter que ses enfants ne soient eux aussi punis comme elle le fut, elle a refusé de leur enseigner sa langue maternelle.

 

Optimistes malgré tout

Le déclin du français en Louisiane a atteint des proportions dramatiques. En une décennie, le nombre de francophones a chuté de 194 000 à 115 000 sur ce territoire qui a accueilli un certain nombre d’Acadiens déportés par les Britanniques, en plus de Créoles et d’Européens.

Quatre générations ont suffi pour réaliser l’assimilation : des baby-boomers se souviennent de leurs grands-parents qui ne parlaient que le français et de leurs parents qui le parlaient la plupart du temps. Eux, ils utilisent principalement l’anglais, tandis que leurs enfants ne parlent que la langue de Shakespeare.

Autre signe de cette lente disparition : une paroisse fondée en 1824 fut baptisée « Évangéline », du nom de l’héroïne d’un poème de Henry Wadsworth Longfellow racontant la déportation des Acadiens en 1755. Aujourd’hui, moins d’un résidant sur cinq parle encore le français.

 

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