13.12.2015 - Union européenne : ceux qui ont écrasé les Grecs ont frayé la voie au FN

Pour comprendre les causes profondes de la percée du Front national, nous devons toucher aux politiques appliquées par les partis traditionnels en France et en Europe.

C'était il y a un an, à la veille du Nouvel An, avant les attentats et la crise des réfugiés. Le célèbre économiste Thomas Piketty signait une tribune "2015 : quels chocs pour faire bouger l'Europe ?" [1] où il écrivait :

"Le plus triste, dans la crise européenne, est l'entêtement des dirigeants en place à présenter leur politique comme la seule possible, et la crainte que leur inspire toute secousse politique susceptible d'altérer cet heureux équilibre. (...) Alors, quels chocs pourraient permettre de faire bouger les lignes en 2015 ? Il y a, en gros, trois possibilités : une nouvelle crise financière ; un choc politique venant de la gauche ; ou bien un choc politique venant de la droite. Les dirigeants européens actuels devraient avoir l'intelligence de reconnaître que la deuxième possibilité est de loin la meilleure : les mouvements politiques qui prospèrent aujourd'hui à la gauche de la gauche, comme Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce, sont fondamentalement internationalistes et proeuropéens. Plutôt que de les rejeter, il faudrait au contraire travailler avec eux pour formuler les contours d'une refondation démocratique de l'UE. Faute de quoi, on risque fort de se retrouver avec un choc autrement plus inquiétant, venu de la droite : compte tenu du mode de scrutin, il est tout à fait possible que le FN emporte des régions lors des régionales de décembre 2015."

Un an plus tard, nous connaissons le résultat. L'expérience grecque anti-austérité de gauche a été écrasée avec le diktat du 13 juillet, malgré que le peuple s'était exprimé totalement dans un sens contraire, à la fois lors des élections du 25 janvier et du référendum du 6 juillet. Elle a montré que, dans cette Union européenne, sous la garde de la main de fer de Merkel et des kilos de pactes et de traités qui instituent la politique d'austérité, il n'y a aucune latitude pour plier, ou même adapter prudemment, l'obsession de l'austérité. La volonté des peuples de pouvoir avoir une politique sociale et qui s'attaque aux plus riches pour sortir de la crise a été simplement interdite par l'establishment européen.

De Juncker à Merkel, de Dijsselbloem à Hollande, l'unité a été scellée pour prolonger le calvaire grec en imposant un troisième mémorandum encore plus étouffant. Un diktat qui résonnait aussi comme un gigantesque avertissement aux autres peuples d'Europe : "ne sortez pas des clous, sinon nous allons vous écraser".

Et, en dépit de leurs cris effarouchés d'aujourd'hui sur la montée du Front national en France, tous ces dirigeants sont responsables du choc venu de la droite annoncé par Piketty. Car, en bouchant la voie de l'alternative à gauche, ils ont créé les conditions pour que les gens cherchent à l'extrême droite une solution à leur désespoir. Pire : la politique de l'Union européenne a créé les conditions pour le renouveau du Front national, ce parti fasciste du 21e siècle.

21 avril 2002-décembre 2015 : qu'ont-ils fait en 13 ans contre l'austérité ?

Il y a 13 ans, le 21 avril 2002, la France avait déjà vécu un choc : Jean-Marie Le Pen se qualifiait au second tour des élections présidentielles, écartant le candidat du PS Lionel Jospin. Dans les jours qui ont suivi, des centaines de milliers de jeunes sont descendus dans les rues pour faire barrage à l'extrême droite, dans ce qui a été appelé le "nécessaire grand front républicain". Et le président de droite Chirac a été élu avec un score de 82 %. Beaucoup de promesses ont été faites. On allait lutter contre le chômage, les banlieues pourraient sortir de leur misère, on allait s'attaquer à la "fracture sociale"... Mais rien de tout ça n'est venu. La vague d'austérité, de précarisation de l'emploi (le fameux CPE) et de privatisations a déferlé en France comme ailleurs en Europe, soutenue par toutes les grandes familles traditionnelles européennes, libérales, sociales-démocrates et conservatrices.

 

Lire la suite sur Le Vif

Ajouter un Commentaire

Veuillez noter que votre commentaire n'apparaîtra qu'après avoir été validé par un administrateur du site. Attention : Cet espace est réservé à la mise en perspective des articles et vidéos du site. Ne seront donc acceptés que les commentaires argumentés et constructifs rédigés dans un français correct. Aucune forme de haine ou de violence ne sera tolérée.


Code de sécurité
Rafraîchir