19.11.2015 - Faire de l’argent avec la misère des autres

Philippe Couillard annonçait récemment qu’il envisageait de mettre en place des obligations à impact social pour financer certains programmes ou initiatives. Qu’est-ce que c’est et devons-nous nous en réjouir? Réponse rapide : il s’agit de donner une logique (encore plus) comptable au filet social, et c’est plus qu’inquiétant quand on pense au genre de société qu’on veut créer.

Jouer avec les concepts de ses adversaires comporte de nombreux risques. Si on peut espérer changer le sens des termes à notre avantage ou forcer nos opposants à admettre que, même selon leurs propres conceptions, notre vision du monde l’emporte sur la leur, il y a de fortes chances que l’on se fasse récupérer, qu’on doive défendre nos idées avec leurs valeurs et qu’on finisse par croire aux prémisses qu’on acceptait au départ comme compromis pour accéder à un terrain de discussion.

Et c’est un peu ce qui se passe avec les obligations à impact social. Alors que le gouvernement joue de compression en compression en se justifiant d’un équilibre budgétaire qui se traduirait ensuite en paiement de la dette puis en baisse d’impôts, plusieurs à gauche (dont nous) se sont fait un devoir de déconstruire la fausse équivalence entre « public » et « inefficace » ainsi qu’entre « privé » et « rentable ». Pourquoi investir en santé, en éducation, dans l’aide de dernier recours, etc.? Oui, parce que c’est ce qui est juste, parce que tout le monde à le droit à la santé, au savoir et à vivre des moments difficiles sans sacrifier sa dignité. Mais aussi parce que, à moyen et à long terme, c’est rentable. Alors, évangélistes de la croissance, réduisez les inégalités et vous investirez dans les profits. Ainsi, le gouvernement peut garder ses objectifs d’une société basée sur la croissance économique, et la population obtiendra les services dont elle a besoin. Tout le monde y gagne.

Le capitalisme est résilient. Le néolibéralisme aussi. Flairant l’occasion de faire de l’argent tout en dissolvant un peu plus le lien social (en prime sous un confortable couvert altruiste), on se retrouve avec les obligations à impact social. Voici comment ça fonctionne.

Le gouvernement demande aux acteurs privés d’investir spécifiquement dans un projet. Si celui-ci atteint ses objectifs dans les temps prescrits, alors l’État rembourse et paie des intérêts aux investisseurs. Sinon, l’argent est remboursé seulement en partie ou pas du tout. Le risque est ainsi assumé entièrement par le projet lui-même et ses investisseurs, le gouvernement ne dépensant que s’il y a succès tangible et mesurable. Il ne s’agit pas de philanthropie ou de charité. L’objectif est bel et bien d’avoir un retour sur investissement, de voir son argent fructifier.

 

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