15.11.2015 - "Les Français croient être protégés, ils ne le sont plus", dénonce le général Vincent Desportes

Ce haut gradé de l'armée de terre fustige, dans son livre "La Dernière Bataille de France", la baisse du budget des armées. Et estime que les militaires français, engagés sur plusieurs fronts, ne peuvent plus assurer leurs missions.

Comme les militaires aiment à le dire : pour un coup de gueule, c’est un coup de gueule. Le général Vincent Desportes a toujours été connu pour sa franchise. Mais avec son dernier livre, intitulé La Dernière Bataille de France (qui vient d'être publié chez Gallimard), le Saint-Cyrien, professeur à Sciences Po, se livre à un réquisitoire sans appel. "Nous sommes revenus à l’époque de la Grande Illusion, écrit-il. Les Français croient être protégés, ils ne le sont plus… Les armées françaises n’ont jamais été aussi fragiles." Pour francetv info, ce haut gradé de l’armée de terre a accepté de s’expliquer.

Francetv info : Pourquoi une telle sévérité dans votre jugement ? A priori, les soldats français n’ont jamais été autant présents sur le terrain, et cela sans enregistrer de revers particulièrement dommageables.

Vincent Desportes : Les menaces s’accroissent et en particulier depuis deux ans. On peut dire qu’autour de nous le monde a pris feu, de l’Ukraine au Sahel, en passant par le Moyen-Orient. Et nos armées sont "sur-déployées" par rapport à leurs capacités. Que ce soit sur mer, à terre ou dans le ciel, toutes nos armées sont en train de s’user. Je dirais même que la corde est sur le point de casser.

Regardez l’exemple de l'armée de terre britannique. Elle a été beaucoup trop déployée par rapport à ce qu’elle pouvait faire. Et elle s’est retrouvée à bout de course, incapable de remplir sa mission de défense. Nous ne sommes pas loin de vivre la même chose.

Quels sont les exemples concrets de cette "usure", selon vous ?

On a des problèmes de matériels, même si cet aspect commence à être pris en compte. Au Mali, on peut rappeler que, pour l’opération Serval [2013-2014], les véhicules avaient deux fois l’âge de leurs conducteurs. Nos avions Rafale étaient ravitaillés par des avions qui avaient plus d’un demi-siècle, etc.

A côté de l’armée ultra-moderne, qui existe, on a une autre grande partie que je qualifierais de vintage. Elle possède des équipements "de collection". Et le budget actuel ne permet pas suffisamment d’approvisionner le flux nécessaire des pièces de rechange. De sorte que, dans nos armées, un avion sur deux ne peut pas décoller, un navire sur deux ne peut prendre la mer, et un char sur deux ne peut plus rouler. Dans certains cas, c’est même pire, comme pour les hélicoptères Tigre, par exemple : quatre appareils sur cinq ne peuvent pas prendre l’air.

Tout cela n’est pas raisonnable. Or nous devons faire face à de très nombreux déploiements sur les théâtres de conflit. D’ailleurs, le chef d’état-major lui-même le disait : les soldats français sont engagés dans 25 opérations différentes et nous avons 30 000 hommes impliqués, issus des trois armées, essentiellement de l’armée de terre.

Tout cela a pour conséquence dommageable un sous-entraînement des unités. Il n’y a plus le temps de respiration indispensable pour que nos armées récupèrent. Car une armée n’est pas une simple addition de soldats, c’est un ensemble qui doit s’inscrire dans un tout cohérent et produire une efficacité collective.

 

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