14.11.2015 - La domination masculine existe-t-elle ? La perspective « évoféministe »

Un entretien exclusif avec Peggy Sastre, auteure du livre : « La domination masculine n’existe pas ».

Vous pensiez tout connaître du féminisme ? Détrompez-vous : Contrepoints vous invite à découvrir ce que la théorie de l’évolution peut dire sur le sujet à travers le dernier essai de Peggy Sastre, La domination masculine n’existe pas. Pour comprendre ce qu’une analyse rationnelle des rapports hommes/femmes peut donner, nous avons donné la parole à cette auteure engagée et passionnante. Docteur en philosophie des sciences, spécialiste de Nietzsche et de Darwin, ses travaux d’essayiste s’orientent principalement autour d’une lecture biologique des questions sexuelles. En tant que journaliste et traductrice, elle collabore à divers titres de presse (Slate, L’Obs, Buzzfeed).

 


Vous défendez une version critique du féminisme « officiel ». Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est l’évoféminisme et les critiques qu’il adresse au féminisme « plus classique » ?

L’évoféminisme est un féminisme qui, à la fois, prend comme base de travail les sciences de l’évolution et qui est évolutif, dans le sens non strictement scientifique du terme. C’est un féminisme qui n’est pas figé dans ses propositions, ses attendus, et qui se laisse la possibilité d’être amendé si jamais des faits solides viennent atténuer, voire remettre en question leur légitimité ou leur logique. J’ai d’ailleurs encore un peu de mal avec ce terme, mais il me semble meilleur que « féminisme darwinien » – parce qu’on ne peut pas réduire ni arrêter le darwinisme à Darwin – ou « féminisme scientifique », vu que tout et n’importe quoi (et surtout n’importe quoi) peut et a pu se réclamer « scientifique ». C’est un féminisme qui privilégie les faits, la méthode rationnelle et où la perspective militante est secondaire, notamment quand elle est contradictoire avec la réalité observable et mesurable.

 

Le principal reproche que je fais au féminisme mainstream est de ne pas savoir, ou de ne pas vouloir reconnaître la diversité pourtant assez manifeste des femmes, dans leurs goûts, leurs opinions, leurs objectifs, etc., et d’être moralement très maximaliste (ce qui vaut pour soi vaut pour tout le monde). Le reste en découle : globalement, le procès que je pourrais faire au féminisme majoritaire actuel est un procès en dogmatisme. On est progressivement passé d’un féminisme qui cherchait à améliorer la vie des femmes, notamment en leur permettant d’avoir des droits équivalents aux hommes, à un féminisme d’étiquettes et de tampons (je parle des encreurs, pas des hygiéniques). « Ça » c’est féministe, mais pas « ça ». Un tel truc va être du « bon » féminisme, un autre du « mauvais ». Machin est dans ma clique, ma chapelle, mais pas machine… Personnellement, cela m’épuise et c’est un épuisement qui, à mon avis, est un facteur important du rejet de plus en plus massif que l’on peut observer chez les femmes, jeunes ou moins jeunes, vis-à-vis du féminisme, justement, comme étiquette. Ce phénomène du « féministe, mais » – dont la pointe de l’iceberg est la star qui est tout à fait pragmatiquement féministe, mais qui va refuser de se définir ainsi. Par réflexe, beaucoup de féministes vont y voir « la preuve » de la toute-puissance du « patriarcat » (et s’en donner à cœur joie sur la « traître »), sans jamais s’arrêter deux minutes et se demander comment on a pu en arriver là, car cela demanderait de se remettre en question et de voir qu’elles ont, peut-être, une (grosse) part de responsabilité dans cet éloignement, si ce n’est ce dégoût de plus en plus généralisé.

 

De même, le fait que les féministes n’arrivent pas, dans leur grande majorité, à reconnaître ce qu’il peut y avoir de « féministement » bénéfique dans les sciences de l’évolution est aussi, à la base, un problème de dogmatisme.

 

Dans votre dernier essai, vous soutenez que la part d’arbitraire culturel du genre est en fait beaucoup moins arbitraire qu’on ne le pense. Il y aurait donc un fond de vérité dans les stéréotypes comme papa travaille pour gagner de l’argent pendant que maman s’occupe des enfants et du foyer ? Est-ce que cela signifie souscrire au « fatalisme » biologique que dénoncent encore certains critiques « culturalistes » de l’action humaine ?


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