07.11.2015 - Non croyants de tous les pays, réjouissez-vous, un autocollant démontre qu'on peut se passer de la religion !

[Note du Bonnet : à noter également, en complément à cet article édifiant, que ces études scientifiques proviennent systématiquement du monde anglo-saxon où la générosité équivaut à la charité, c'est-à-dire à un mécanisme qui cautionne par son existence même le mode de vie libéral et le désir de rentabilité : après tout, ne suffit-il pas que les Bill Gates, Steve Jobs et autres Rockefeller organisent ou appuient des campagnes philanthropiques pour se racheter une conduite ?

C'est toujours plus facile que de méditer sur un véritable ordre social chrétien, qui certes n'éradiquerait pas la pauvreté, mais en pointerait du doigt les causes profondes : le matérialisme et l'humanisme (en tant que doctrine qui place l'Homme au centre de tout, et non pas la philanthropie, entendons-nous bien)

Une telle hypocrisie de la part des WASP, par ailleurs ethnocentrés et donc peu crédibles pour juger de la puissance civilisationnelle des grandes religions à travers le monde entier, ne peut que susciter rejet et méfiance vis-à-vis de Dieu.]

Un article publié ce jour dans la très bonne revue scientifique Current Biology, donc a priori tout à fait sérieux, tente de démontrer que les enfants de parents croyants sont moins généreux que ceux de parents non croyants. En jeu ? Un autocollant, juste un. C'est peu pour une conclusion aussi fracassante, immédiatement traduite par l'encore plus prestigieux journal Science (ici) en : "Nonreligious children are more generous" [Les enfants non croyants sont plus généreux]. Oh les vilains croyants ! 

 

L'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette d'un autocollant

Allons y voir de plus près. Le jeu proposé aux enfants consiste à choisir dix autocollants dans une collections de trente. Ensuite on leur explique que d'autres enfants de la même école ne pourront pas jouer et que l'enfant peut laisser quelques autocollants parmi ceux qu'il a choisi pour que d'autres puissent en avoir. Et c'est là que tout se joue : les enfants de parents non croyants (EPNC) abandonnent 4,1 autocollant en moyenne, quand les enfants de parents chrétiens (EPC) n'en laissent que 3,3 et les enfants de parents musulmans (EPM) 3,2. Les autres croyances (bouddhisme, judaïsme, etc) n'étaient pas assez représentées pour avoir un résultat significatif.
 
Et ensuite…, ah ben non en fait il n'y a pas de suite. C'est tout. Un autocollant (en fait, même pas un autocollant entier) de plus ou de moins suffit à proclamer que les "enfants non croyants sont plus généreux". On pourrait aussi conclure que les parents non croyants achètent plus facilement ce genre de bazar à leurs enfants que les parents croyants, et que donc les EPNC pourraient aussi bien laisser tout le paquet d'autocollants car ils en ont trente fois plus à la maison. Mais ça, ce n'est pas contrôlé. Et les auteurs de conclure très sérieusement que la religion a un effet négatif sur l'altruisme des enfants, et que l'athéisme "la sécularisation du discours moral" ("secularization of moral discourse") est donc une bonne chose.

 

Si on vous bouscule dans la rue, il sera de bon ton de ne rien dire

Ah si quand même, il y a une suite, tout à fait sidérante. On montre à l'enfant un autre enfant se faire bousculer. On lui demande ensuite ce qu'il en pense : est-il choqué, et quelle punition donnerait-il à celui qui bouscule. Et là, l'EPNC dit que ce n'est pas grave et qu'il ne faut pas trop punir, quand l'EPC trouve que quand même ça ne se fait pas mais ne punit pas davantage quand l'EPM est davantage choqué et partisan d'une punition plus sévère. Et quelle est la conclusion ? Que EPNC est moralement supérieur aux autres. Et oui, c'est comme ça : si je vous bouscule dans la rue, il sera de bon ton de ne rien dire. Quand je vous dit que c'était sidérant… 
 
Et l'article de conclure dans son résumé : "Religiousness was inversely predictive of children’s altruism and positively correlated with their punitive tendencies." [La religiosité était inversement prédictive de l'altruisme des enfants et positivement corrélée avec leur tendances punitives]. Bon, ben ça c'est faux et les "reviewers" de l'article n'auraient pas dû laisser passer une erreur aussi grossière. En effet il ont démontré cela pour les EPM mais pas pour les EPC. Sans compter que personnellement je souhaite vivement qu'un enfant soit choqué quand il est témoin d'une brutalité.
 

Des biais oubliés, en veux-tu, en voilà !

Mais revenons aux biais potentiels de cette étude. Tiens par exemple, quid du nombre de frères et sœurs ? Il est évident que dans une famille nombreuse on a moins de moyens, donc les enfants ont moins de choses à eux. Quoi de plus naturel de garder un autocollant de plus. Et si on se demandait qui des EPNC/EPC/EPM va vivre dans une famille nombreuse ? Ah zut, encore une donnée non disponible. Notez que j'ai ma petite idée quand on sait que sur les 1170 enfants concernés, 152 viennent de Jordanie et 196 de Turquie et qu'ils sont à mon avis musulmans dans une famille d'au moins trois enfants ; alors que les 219 enfants chinois sont très probablement enfants uniques dans une famille non croyante. Et en Afrique du Sud (188 enfants), à votre avis, ils sont riches, non croyants, et enfants uniques ? Ou pauvres, chrétiens, et dans une famille nombreuse ? Une confirmation de cette intuition dans l'étude ? Les enfants de parents croyants sont moins partageurs à douze ans qu'à cinq ans ; une corrélation avec le nombre de petits frères et sœurs, peut-être ?
 
 
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