Les porteurs de l’élan souverainiste, ces francophones actifs de la classe moyenne qui avaient voté Oui à 70 % lors du référendum de 1995, ne sont plus que 40 % à embrasser l’option. Les femmes dans ce groupe ont délaissé le projet souverainiste dans une plus grande proportion que les hommes tandis que l’appui des jeunes à l’indépendance s’est érodé.
C’est le constat qu’a livré samedi le sociologue Simon Langlois, de l’Université Laval, lors du colloque sur la démocratie référendaire dans les États plurinationaux. « L’horizon de l’indépendance s’éloigne », estime le professeur. À moins d’une nouvelle mobilisation que l’on ne voit poindre, « la tendance illustre que le Oui s’estompe ».En 2002, Simon Langlois et son collègue Gilles Gagné avaient publié une étude intitulée Les raisons fortes. Nature et signification de l’appui à la souveraineté du Québec. Il avait démontré que ce groupe porteur de citoyens actifs, représentant 45 % des électeurs, avait appuyé la souveraineté en 1995 parce que c’était aussi un projet de transformation de la société. Les francophones âgés de 18 à 54 ans à faible revenu n’avaient voté Oui qu’à 49 % tandis que chez les francophones plus âgés, ils étaient moins de 40 % à choisir la souveraineté-partenariat.
Où sont les femmes ?
Au sein du groupe porteur, les femmes ne sont aujourd’hui que 36 % à exprimer un Oui ferme, six points de pourcentage de moins que les hommes. « Ce qui est nouveau, c’est la désaffection observée chez les femmes depuis 2001 [soit 11 points de moins], a-t-il observé. Je fais l’hypothèse que les femmes sont plus sensibles à ce qu’on pourrait appeler le message social de l’option. » Une autre étude que le sociologue est en voie de terminer montre que les femmes, qui sont nombreuses à travailler comme enseignantes, infirmières et dans les services sociaux, a-t-il noté, sont critiques de l’état de la justice sociale. Un discours comme celui du chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, qui met l’accent sur la création de la richesse, a peu de chances de les rejoindre, à son avis.
Chez les jeunes de 18 à 24 ans, l’appui à la souveraineté est passé de 55 % en 2001 à 32 % ces dernières années. « Les jeunes ont une profonde identité québécoise. Mais ça ne se traduit pas nécessairement en un appui à l’indépendance », constate Simon Langlois.
D’une part, il existe une « grosse cohorte » de jeunes qui parlent d’entreprise privée et veulent se lancer en affaires, qui œuvrent dans les sciences ou l’administration. « Ils n’ont pas besoin de l’indépendance pour réussir leur vie », résume l’universitaire. D’autre part, il existe « une gauche plus affirmée » chez les jeunes pour qui le projet du PQ est « ringard », inspiré par la droite nationaliste, relève le chercheur.
Dans la région de Québec, la classe moyenne a massivement décroché de la souveraineté : seulement 30 % des francophones actifs optent pour le Oui. En outre, les baby-boomers, qui atteignent les 65 ans, sont moins fervents que dans leur jeunesse : l’âge — frilosité, crainte du changement, fatigue culturelle et politique — fait son œuvre, signale le chercheur. À quelque 32 %, il n’y a pas ni plus ni moins d’appui à la souveraineté qu’il y a 14 ans. Enfin, pour compléter le tableau, Simon Langlois souligne que le « noyau dur » des Non fermes est passé de 50 % à 55 % ces dernières années.