11.10.2015 - Hagège : "L'anglais détruit notre pensée"

Dans "Contre la pensée unique" (Odile Jacob), Claude Hagège, professeur au Collège de France, pourfend l'anglais comme vecteur de pensée unique et en appelle au sursaut.

Propos recueillis par Victoria Gairin

 

Le Point : Vous affirmez que la propagation d'une langue engendre une pensée unique. Pourquoi ?

Claude Hagège : Attention, la propagation d'une langue en général - et ce fut le cas du latin pendant des siècles en Europe et au-delà - n'implique pas de danger d'homogénéisation de la pensée. Elle a, bien au contraire, favorisé sa multiplicité. Mon propos ne concerne pas n'importe quelle langue, mais l'anglais. L'anglais, dont la diffusion mondiale est accompagnée d'une certaine idéologie néolibérale, dont l'ensemble du monde est à la fois l'auteur et la victime. La propagation d'une langue n'est pas nécessairement négative. Elle peut servir les besoins ou les désirs d'une population, comme ce fut le cas des langues véhiculaires de vaste diffusion.

N'est-ce pas le cas de l'anglais, justement ?

Absolument. À ceci près que les contenus culturels véhiculés par la langue anglaise apportent avec eux une certaine conception du monde, à laquelle on n'est pas obligé d'adhérer. La musique pop, par exemple, ou bien le rock sont à mes yeux un instrument de très forte homogénéisation du monde et de stérilisation de la créativité.

N'est-ce pas un peu exagéré ?

Pas du tout. Il n'y a qu'à voir la tête de mes étudiants lorsque je leur traduis les chansons à la mode en ce moment ! Il est profondément déculturant d'adhérer à un mode de pensée sans pour autant nécessairement le comprendre.

Vos craintes ne sont donc pas spécifiquement liées à l'anglais... Et si des morceaux chinois déferlaient sur nos ondes dans quelques années ?

En effet, la pensée unique n'est pas attachée par essence à une langue en particulier. Le chinois est d'ailleurs en passe de devenir une langue à diffusion mondiale, avec ses 1 200 instituts Confucius à travers le monde. À l'avenant de leur montée en puissance économique et politique, les Chinois sont en train de faire tout ce qu'ils peuvent pour répandre leur langue et leur culture. Il s'agit ni plus ni moins d'une attitude d'affrontement contre l'anglais afin d'en offrir une alternative. Le chinois pourrait donc à son tour parfaitement diffuser des contenus qui finiraient par répandre une certaine forme de pensée unique.

 

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Commentaires   

 
0 #1 Mike Deschamps 11-10-2015 13:37
Totalement en accord avec Mr Hagège. Et quand on parle une langue qui est la traduction littéraire d'une autre c'est encore pire. Cela montre le degré de soumission à cette autre langue. Combien de fois au Québec peut-on entendre des "bon matin" (good morning), "mes pantalons" (au pluriel comme en anglais "my trousers"), "Ce char ne s'est pas arrêté à la lumière" (lumière --> traffic light), "je suis confortable" (I'm comfortable) "je suis tombé en amour" (fall in love) etc...etc...
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