07.09.2015 - Aylan, ou l’orchestration médiatique à des fins idéologiques d’une tragédie

Dort-il ? Non. Il est mort. Noyé, nous apprennent les articles de presse qui ont diffusé cette photo.

Instinctivement, la première réaction d’un père ou d’une mère est alors de penser qu’il aurait pu s’agir de son enfant, et l’émotion nous envahit.

La photo du jeune enfant syrien noyé modifie-t-elle votre vision de la crise des migrants ? Posée crument et abruptement par Le Figaro, la question reçoit 82 % de non en réponse. Il serait trop facile d’accuser les français d’être insensibles. Si tant de lecteurs ont répondu non, c’est parce qu’à l’émotion provoquée par la photo du petit Aylan succède peu après le malaise : la manipulation médiatique à des fins idéologiques du jeune enfant n’est que trop flagrante.

Tout d’abord parce que la synchronisation de la publication de cette photo dans différents journaux d’Europe interroge ; parce que le parcours de la famille du petit Aylan est plus complexe que ne le racontent les médias français ; enfin, parce que cette manipulation d’une tragédie à des fins politiques met en pleine lumière l’ensemble des contradictions de ceux qui tentent d’en profiter.

L’orchestration médiatique et idéologique d’une tragédie

L’image est forte, personne ne peut le nier. Et la réaction violente, immédiate et normale est de vouloir s’écrier « Comment peut-on tolérer cela ? Il faut que cela cesse ! »

Comme le rappelait un ami, il y a deux choix devant une mort tragique : « prier ; ou faire son cinéma pour se faire remarquer ou en profiter politiquement ».

Une grande partie de la classe politique et médiatique européenne semble avoir choisi la deuxième solution. Comprenons-nous bien, il n’est aucunement interdit d’être profondément ému par cette tragédie, d’en dénoncer le déroulement ou de fustiger les causes de l’exode de tant de migrants. Mais l’utilisation médiatique à des fins politiques et idéologiques de l’image d’un mort est indécente.

La diffusion, tellement synchronisée qu’elle semble orchestrée, de cette photo interroge. Il serait d’ailleurs naïf de croire qu’une grande partie de la population ne se rend pas parfaitement compte de cette manipulation.

Au delà du caractère indécent, voir malsain d’une telle utilisation, ce genre de manipulations de l’émotion est profondément dangereuse.

Dangereuse d’abord parce qu’elle met à long terme en danger les réfugiés eux-mêmes. Lassés de tant de manipulations médiatiques, les personnes qui se rendent compte de la grossièreté de cet instrumentalisation vont souvent, en réaction (une sorte d’auto-défense face à la manipulation de l’émotion pourrait-on dire), rejeter plus profondément encore l’idée de tout accueil de réfugiés dans leur pays. Cette manipulation médiatique répétée va contribuer à durcir les cœurs face aux tragédies qui se jouent actuellement au Moyen-Orient.

Dangereuse aussi, car si ce processus d’indignation générale marche dans un sens, il peut aussi être utilisé pour diriger cette indignation vers n’importe quel autre but. Que se passera t-il quand d’autres diffuseront (à défaut des médias, sur les réseaux sociaux et les différents sites d’information parallèle) la photo d’une petite fille violée et tuée par un migrant ? Ayant usé et abusé de ce même procédé, les médias seront bien en peine d’expliquer pourquoi celui-ci était acceptable pour leur camp mais non pour un autre.

 

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Commentaires   

 
0 #1 Mike Deschamps 07-09-2015 18:01
Les photos des cadavres des gamins palestiniens l'été dernier n'ont pas émus l'opinion publique ! C'est la féminisation de la société qui est en marche ou comment faire de la politique à partir des émotions.
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