22.07.2015 - Nous sommes tous Grecs (Chris Hedges)

Les pauvres et la classe ouvrière des États-Unis savent ce que c’est que d’être grec. Ils connaissent le sous-emploi et le chômage. Ils connaissent la vie sans revenus. Ils connaissent l’existence avec seulement quelques dollars par jour. Ils connaissent les coupures de gaz et d’électricité à cause de factures impayées. Ils connaissent le poids écrasant de la dette. Ils connaissent la maladie et l’inaptitude à se payer des soins médicaux. Ils connaissent la saisie de leurs maigres biens par l’État, un procédé appelé aux États-Unis « la confiscation civile », et qui a permis aux agences de police états-uniennes de confisquer plus de 3 milliards de dollars en cash et en propriété. Ils connaissent le désespoir profond et la renonciation qui surviennent lorsque les écoles, les bibliothèques, les cliniques de quartier, les services de soins journaliers, les routes, les ponts, les bâtiments publics et les programmes d’assistance sont négligés ou fermés. Ils connaissent le détournement des institutions démocratiques par les élites financières dans le but d’imposer une misère de grande ampleur au nom de l’austérité. Tout comme les Grecs, ils savent ce que c’est que d’être abandonné.

Les Grecs et les travailleurs pauvres des États-Unis subissent les mêmes privations parce qu’ils sont attaqués par le même système — le capitalisme corporatif. Il n’y a pas de contraintes internes au capitalisme corporatif. Et les quelques contraintes externes qui ont existé ont été supprimées. Le capitalisme corporatif, manipulant les institutions financières les plus puissantes du monde, y compris l’Eurogroupe, la banque mondiale, le fonds monétaire international et la réserve fédérale, fait ce qu’il est conçu pour faire : il transforme tout, y compris les êtres humains et le monde naturel, en marchandises à exploiter jusqu’à épuisement ou effondrement. Dans le procédé d’extraction, les syndicats sont brisés, les agences de régulation sont égorgées, les lois sont écrites par les lobbyistes corporatistes afin de légaliser la fraude et d’encourager les monopoles mondiaux, et les services publics sont privatisés. Des accords commerciaux secrets — dont même des élus officiels ayant vu les documents ne sont pas autorisés à parler — permettent aux oligarchies corporatistes d’amasser encore plus de pouvoir et d’engranger encore plus de profits au détriment des travailleurs. Pour faire gonfler ses profits, le capitalisme corporatif pille, réprime et mène à la faillite des individus, des villes, des états et des gouvernements. Ultimement, il démolit les structures et les marchés qui rendent possible le capitalisme. Mais c’est une bien maigre consolation pour ceux qui subissent ses maux. Avant qu’il ne se détruise lui-même, il aura entraîné une misère humaine incommensurable dans son sillage.

Le gouvernement grec s’agenouille devant les banquiers d’Europe, en les suppliant, parce qu’il sait que s’il quitte l’eurozone, le système bancaire international fera à la Grèce ce qu’il a fait au gouvernement socialiste de Salvador Allende en 1973 au Chili ; il fera, comme Richard Nixon avait promis de le faire au Chili, « hurler l’économie ». Les banquiers détruiront la Grèce. Et si cela implique que les Grecs n’aient plus accès à des médicaments — la Grèce doit 1 milliard d’euros aux fabricants de médicaments européens — qu’il en soit ainsi. Si cela implique des pénuries alimentaires — la Grèce importe des milliers de tonnes de nourriture de toute l’Europe chaque année — qu’il en soit ainsi. Si cela implique des pénuries de pétrole et de gaz — la Grèce importe 99 % de son pétrole et de son gaz — qu’il en soit ainsi. Les banquiers mettront en place une guerre économique jusqu’à ce que le gouvernement grec actuel soit éjecté et que les marionnettes politiques corporatistes se retrouvent à nouveau au pouvoir.

La vie humaine importe peu aux capitalistes corporatistes. La souffrance des Grecs, comme la souffrance des États-Uniens ordinaires, est très bonne pour les marges de profit des institutions financières comme Goldman Sachs. Après tout, c’est Goldman Sachs — qui fit avaler des hypothèques avariées à des familles ne pouvant absolument pas les rembourser, les vendant ensuite à des fonds de pension en tant qu’investissement et pariant contre eux — qui orchestra les arrangements financiers de la Grèce, qui furent, pour beaucoup, tenus secrets. Ces accords doublèrent la dette grecque à travers des transactions dérivées et permirent à l’ancien gouvernement grec de masquer sa dette réelle pour continuer à emprunter. Et lorsque la Grèce implosa, Goldman Sachs s’en mis plein les poches.

 

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